L’art de l’influence

Art de l’influence

1. (Technique) Exercice subtil mais efficace d’une action, idéalement imperceptible, sur la volonté d’une tierce personne.
2. (Qualité) Adresse particulière pour rallier l’interlocuteur à ses vues.
Si l’influence se fonde généralement sur l’autorité naturelle, l’ascendant ou encore le charisme, elle peut également user de techniques éprouvées (l’argumentation, la séduction, voire le scandale).

— Une partie de billard

1. Écrire sur l’influence revient à écrire sur le monde non pas tel qu’il est, mais tel qu’il devrait être — tel qu’on aimerait, en tout cas, qu’il devienne1« L’existence, au sens moderne, c’est le mouvement par lequel l’homme est au monde, s’engage dans une situation physique et sociale qui devient son point de vue sur le monde. » (Maurice MERLEAU-PONTY, Sens et non-sens, 1947, Paris, éd. Nagel, p. 124-125)..

Influencer, c’est agir sur le monde afin de produire un résultat ; c’est, par conséquent, fournir un effort pour obtenir un effet, à ceci près que l’action doit être exercée sur une tierce personne ou même sur une chose, afin que cette chose ou personne produise l’effet escompté.

L’influence est, en somme, une action indirecte — ou un acte direct à visée indirecte (faire une chose pour en obtenir une autre, en passant par la chose ou la personne à même d’obtenir ce résultat) —, l’influence est « l’art d’user des autres »2« Ainsi, cette partie de la liberté de l’homme qui dépend de la constitution des organes mis à sa portée & de l’usage qu’il en sait faire ; comprend, l’art d’user de soi-même, & l’art d’user des autres ». (Antoine DE LA SALLE, La mécanique morale ou Essai sur l’art de perfectionner et d’employer ses organes, propres, acquis et conquis, Tome 1er, 1789, Genève, p. 2)..

2. On cherche à influencer le cours des choses lorsqu’on ne peut obtenir directement ce que l’on souhaite (ou bien lorsqu’on ne peut l’obtenir qu’à un coût exorbitant). Comme au billard, il s’agit de percuter une boule pour qu’elle en choque une à son tour.

Maîtriser l’art de l’influence implique moins d’oser mettre son grain de sel — s’immiscer à bon ou mauvais escient dans une situation donnée — que de savoir anticiper sur les conséquences de son intervention, à court, moyen et long terme — l’influence ou l’art du billard à trois bandes.

Lorsque la tentative d’influence porte sur une personne, il faut en outre connaître les ressorts de la psychologie3« Cependant, il faut plus de sens et de finesse pour bien intriguer qu’on ne le croit. Un intrigant a quelquefois des vues lumineuses. Souvent des gens très médiocres à d’autres égards, sont étonnants dans ce genre, par leur pénétration et leur prévoyance ; il semblerait que ces gens-là feraient d’habiles négociateurs ; mais ce ne serait que dans certains cas seulement ; la droiture les déjouerait, ou du moins les dérouterait. » (Stéphanie Félicité DE GENLIS, Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la cour, Tome I, 1818, Paris, éd. P. Mongie, Intrigue, pp. 291-292)., puisque l’influence n’est ni la menace (le chantage) ni la contrainte (le pouvoir), mais la persuasion (c’est-à-dire la manipulation).

Il faut que la personne influencée accomplisse — au moins partiellement — la volonté de la personne influenceuse en croyant agir de son propre chef4« […] notre raison est influençable par toutes sortes de phénomènes. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre II, chap. 29, p. 859)., en croyant s’être déterminée librement5« La publicité de masse est la plus éclatante démonstration de l’illusion que l’homme a d’être libre. » (Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962], p. 155)..

3. C’est pourquoi l’influence reste une pratique d’un maniement difficile, qui se retourne fréquemment contre son instigateur (les gens ne sont pas idiots), sans compter que l’intensité de l’intervention (1) ne garantit pas nécessairement son efficacité (2).

En revanche, l’influence la moins risquée est également celle qui a le moins de chance d’aboutir — considération qui laisse entrevoir l’immense variété des modes d’influence : l’information (vraie ou fausse), l’exemple (c’est-à-dire le modèle, bon ou mauvais), l’intervention (l’action) ou paradoxalement l’abstention (c’est-à-dire l’action qu’on attendait et qui, n’intervenant pas, change la donne), la suggestion, l’incitation, l’inspiration, etc.

Tout ce qu’aujourd’hui on appelle communication — et qui n’est que publicité, c’est-à-dire réclame (l’influenceur est la nouvelle version de l’homme-sandwich) — procède de cet art de l’influence, auquel le public est désormais habitué.

1. L’intensité de l’intervention

— Le passage en force (l’immixtion)

4. Depuis la Grèce antique au moins, en tout cas depuis ses origines même, la tradition occidentale pense l’influence sur le mode de l’intervention volontaire et abrupte, c’est-à-dire l’immixtion.

Par l’action, il s’agit d’opérer une incision dans le cours des choses, à la manière du héros qui bouscule le monde en l’affrontant6« […] le propre du héros est aussi d’imprimer son action sur le monde en l’affrontant […] » (François JULLIEN, Traité de l’efficacité, 1997, Paris, éd. Grasset, p. 70). — l’héroïsme est le degré ultime de la dignité occidentale7« Tel est l’héroïsme. Par son existence même, il préserve, moralement, la dignité et l’autonomie de l’homme, jusque dans les moments où celui-ci succombe. » (Jacqueline DE ROMILLY, Pourquoi la Grèce ?, 1992, Paris, Le livre de poche [2010], p. 54)..

Il est vrai que la conception d’un idéal — la sacro-sainte distinction entre théorie et pratique8« Prenons l’exemple de l’efficacité, les Européens ont déjà pensé, à l’âge grec, à partir de la conception d’un « idéal », qui va donner naissance à la construction théorique, à la fixation du pli « théorie-pratique » ; la pensée chinoise n’a jamais eu l’occasion de développer cette conception, par contre, la tradition agricole lui a permis de remarquer la place décisive du ciel, de l’univers qui transforme tout en silence. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie. Une exploration de la pensée de François Jullien, 2012, Thèse de littérature, Université Michel de Montaigne — Bordeaux III / Université de Wuhan (Chine), p. 57). — a engendré des réussites considérables ; point n’est besoin d’y revenir : toute l’histoire de l’Occident en atteste.

5. Tout, cependant, n’est pas à conserver : les échecs sont aussi cuisants que les succès sont éclatants. Tôt ou tard, forcer les choses9« […] le wou-wei n’est donc pas de l’inaction […], mais une action qui ne force pas […] » (Jean-François BILLETER, Contre François Jullien, 2006, Paris, éd. Allia [2018], p. 108)., trop en faire10« Ceux qui en font trop, gâtent leur affaire. Ceux qui serrent trop fort, finissent par lâcher. Le Sage qui n’agit pas, ne gâte aucune affaire. Comme il ne tient à rien, rien ne lui échappe. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, dans Les pères du système taoïste, Tome 2, 1913, Ho-kien-fou (Chine), impr. de Hien Hien, trad. Léon Wieger, chap. 64, p. 55)., négliger les modestes11« Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde. / On a souvent besoin d’un plus petit que soi. » (Jean DE LA FONTAINE, « Le lion et le rat », Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine, 1668, Paris, éd. Denys Thierry, Livre II, fable 11, p. 69). s’avère contreproductif. Et les promesses dans le vent entraînent des conséquences désastreuses12« Ainsi de ne pas promettre de succès ostensibles dans les cent jours, mais de faire en sorte que du potentiel revienne, que la situation se recompose, que les « indicateurs » commencent à s’inverser et que la confiance, d’elle-même, soit appelée à reparaître. » (François JULLIEN, Les transformations silencieuses, Paris, éd. Le livre de poche [2010], p. 153)..

L’audace, l’activisme, l’accumulation13« La tradition européenne a reconnu du mérite à l’audace, le penseur taoïste célèbre pour sa part la « non-audace »… Deux logiques s’opposent, en effet : d’une part, celle de l’activisme, qui est celle d’une dépense et d’une accumulation sans fin, sur le mode du toujours plus, selon laquelle on ne cesse d’apprendre davantage, ou de vouloir aller plus loin ; et de l’autre, à l’inverse, celle selon laquelle on ne cesse de retrancher de son ingérence, de réduire son affairement. » (François JULLIEN, Traité de l’efficacité, op. cit., p. 112). trouvent leur contrepartie dans la jalousie, l’entrave, la destruction. Telle qu’on la conçoit généralement, la tentative d’influence (il y aurait beaucoup à dire sur l’écart existant entre l’influence que l’on croit avoir exercée et celle que l’on a effectivement eue) vise plus à la satisfaction de l’orgueil qu’à la résolution d’un problème.

Il ne suffit pas d’avoir influé sur le cours des choses, il faut encore que cela se sache — y compris à son propre détriment : combien d’actions prometteuses sont ruinées par la vanité ou la prétention14« Telle qu’elle est conçue en Europe, l’occasion fait naître le plaisir du risque, de la surprise, de l’inconnu. Plaisir de l’aventure, en un mot, dont est tiré aussi celui du récit. Envisagée comme une rencontre hasardeuse, l’occasion incite et fait rêver, son économie serait plus liée, en fin de compte, au désir qu’à l’efficacité… Logique du plaisir ou de l’efficacité — ici les voies divergent. En suivant ce qui s’annonçait comme la voie européenne de l’efficacité (en fonction de cette articulation de base : but-action-occasion), nous nous sommes trouvés engagés dans une direction dont on découvre finalement qu’elle conduit à l’héroïsme plus qu’à la stratégie… Nous ne serions peut-être jamais sortis de l’épopée… » (Ibid., p. 107). ?

6. Il y a peu, très peu d’intelligence véritable en ce monde tandis que les sots et les fats se trouvent en quantité — les seconds gangrènent le milieu politique qui compte aussi son lot des premiers —, des imbéciles qui parce qu’ils sont du sérail ou qu’ils ont réussi croient avoir compris la règle du jeu.

Mais rien n’est jamais définitif — tant que l’on n’est pas mort — et la roue finit toujours par tourner. L’arrogance conduit à l’imprudence ; le sentiment d’impunité fait commettre la faute de trop.

Grandeur et décadence : voilà ce qui attend les vaniteux, les flambeurs et les usurpateurs. Comme on dit, le plus difficile n’est pas d’atteindre le sommet mais d’y rester.

7. Car la prospérité engendre la concurrence et la rivalité, sans doute la jalousie également15« À ce jeu [celui des causes et des effets], le Sage laisse son libre cours. Il s’abstient d’intervenir, ou par action physique, ou par pression morale. Il se garde de mettre son doigt dans l’engrenage des causes, dans le mouvement perpétuel de l’évolution naturelle, de peur de fausser ce mécanisme compliqué et délicat. Tout ce qu’il fait, quand il fait quelque chose, c’est de laisser voir son exemple. Il laisse à chacun sa place au soleil, sa liberté, ses œuvres. Il ne s’attribue pas l’effet général produit (le bon gouvernement), lequel appartient à l’ensemble des causes. Par suite, cet effet (le bon ordre) n’étant pas en butte à la jalousie ou à l’ambition d’autrui, a des chances de durer. » (Léon WIEGER, commentaire du Tao-Tei-King de LAO-TZEU, op. cit., p. 19-20). — ce qui est légitime quand la réussite n’est pas méritée.

N’oubliez jamais que c’est la morale qui dirige le monde — sans quoi l’on ne prendrait pas la peine de cacher les malversations et adultères, sans quoi l’on ne chercherait pas non plus à donner de soi l’image la plus respectable. Il faut dédaigner les honneurs pour avoir la paix et laisser à d’autres le soin d’apparaître en pleine lumière.

Mais qu’importe ! L’œuvre bien accomplie vaut par elle-même, plus que par sa récompense. D’ailleurs, il n’est de réalisations pérennes qu’acquises au prix du ménagement des autres16« Cela étant, le Sage sert sans agir, enseigne sans parler. / Il laisse tous les êtres, devenir sans les contrecarrer, vivre sans les accaparer, agir sans les exploiter. / Il ne s’attribue pas les effets produits, et par suite ces effets demeurent. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 2, p. 19)..

— Le passage en douceur (l’insinuation)

8. Il est un livre dont l’autrice souhaite recommander la lecture, singulièrement aux affairistes et politiques : le Tao te king (ou Dao de jing), le Livre de la voie et de la vertu écrit par LAO TSEU (ou Laozi), un sage chinois probablement archiviste de profession, aux VIe et Ve s. av. J.-C. — ce qui fait de lui le contemporain de Confucius et de Pythagore.

Au lecteur occidental (en tout cas à la lectrice française), le livre déroute par son absence de système ; à première vue, le propos n’a ni queue ni tête. C’est une succession d’assertions et de préceptes qui se complètent et se répètent — formellement, l’œuvre se compose de deux livres (le Tao ou la voie, et le Te ou la vertu, le troisième terme King signifiant classique, au sens de livre classique) ; le premier livre comprend 37 sections ou chapitres, le second 44 (l’ensemble en compte 81).

9. C’est une lecture véritablement capitale — mais il faut s’y adonner de bonne foi, en ayant l’esprit libre —, lecture initiatique qui ouvre des horizons inimaginés. Sorte de mode d’emploi de déchiffrement de la création (s’il ne s’agit pas de système, l’on ne peut guère plus parler de doctrine), le Livre de la voie et de la vertu indique patiemment au lecteur comment s’inclure dans le monde.

D’emblée, le texte se donne comme mystérieux ; et c’est sciemment que la progression en est sibylline — plus on avance et plus on comprend qu’on ne comprend pas, mais cette ignorance savamment instillée dans l’esprit du lecteur déplace lentement son point de vue et lui présente les choses sous un jour nouveau.

Ça n’a rien d’occidental — pas tant par le côté touffu, métaphorique, répétitif et composite (toute la littérature antique est de cette facture — voyez Platon ou Saint-Augustin) que par le parti pris d’ensemble : le rejet de la causalité et, surtout, la suprématie donnée au mécanisme de la polarité comme source de toute connaissance.

10. Des accents cosmogoniques (ou comment expliquer la création par l’absence de création, ce qui au reste a dû réellement se produire) aux préceptes de gouvernement17« Pour coopérer avec le ciel dans le gouvernement des hommes, l’essentiel c’est de tempérer son action. Cette modération doit être le premier souci. Elle procure l’efficacité parfaite, laquelle réussit à tout, même à gouverner l’empire. » (Ibid., chap. 59, p. 53). (ou comment conduire le monde sans y toucher18« Pour celui qui tient l’empire, vouloir le manipuler (agir positivement, gouverner activement), à mon avis, c’est vouloir l’insuccès. L’empire est un mécanisme d’une délicatesse extrême. Il faut le laisser aller tout seul. Il n’y faut pas toucher. Qui le touche, le détraque. Qui veut se l’approprier, le perd. » (Ibid., chap. 29, p. 38).[/mfn), tout semble s’expliquer par l’action conjointe et symétrique du yin et du yang — archétype de la polarité féconde — auxquels l’être humain doit se fondre par le wu wei ou non-agir18« Quant à la notion chinoise de wu wei, que l’on traduit habituellement par passivité ou non agir, elle désigne ou plutôt suggère une attitude de réceptivité et de disponibilité extrême aux évènements et aux situations dans lesquels nous nous trouvons inclus et impliqués sans en avoir la maîtrise. » (François LAPLANTINE, « Wu Wei », Anthropen, Le dictionnaire francophone d’anthropologie ancré dans le contemporain [en ligne], Université Laval (Québec), 1er sept. 2016).).

Le taoïsme — philosophie de la modération, de la discrétion et de l’humilité — est à l’opposé de l’héroïsme occidental, grandiloquent et tapageur19« Par petites touches bien placées, Charles me persuadait que je n’avais pas de génie. Je n’en avais pas, en effet, je le savais, je m’en foutais ; absent, impossible, l’héroïsme faisait l’unique objet de ma passion : c’est la flambée des âmes pauvres, ma misère intérieure et le sentiment de ma gratuité m’interdisaient d’y renoncer tout à fait. » (Jean-Paul SARTRE, Les mots, 1964, Paris, éd. Gallimard, coll. nrf, p. 135)., du culte du héros souvent imposteur : on agrandit les grands hommes pour les grandir encore un peu plus, oubliant tout ce que leur réussite doit à l’action modeste mais massive des petites gens.

11. Et puis il y aurait lieu de rappeler tout ce que l’action emphatique gâte et gâche d’énergie collective. Quelle déraison dans la surenchère d’exploits factices ! Au contraire, le Livre de la voie et de la vertu recommande de ne pas présumer de ses forces ni de ses moyens20« Un vent impétueux ne se soutient pas durant une matinée, une pluie torrentielle ne dure pas une journée. Et pourtant ces effets sont produits par le ciel et la terre, (les plus puissants de tous les agents. Mais ce sont des effets forcés, exagérés, voilà pourquoi ils ne peuvent pas être soutenus). Si le ciel et la terre ne peuvent pas soutenir une action forcée, combien moins l’homme le pourra-t-il. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 23, p. 35). et, par conséquent, de ne pas forcer les choses, de n’intervenir qu’à propos, de n’agir qu’avec précaution21« Peu parler, et n’agir que sans effort, voilà la formule. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 23, p. 35)..

Avancer à pas de loup, raser les murs et faire profil bas est le meilleur moyen de surprendre son monde et d’obtenir l’effet voulu. La cavalerie qui s’annonce avec trompettes et tambours fait fuir l’ennemi avant même qu’elle n’arrive sur les lieux.

Préférer la discrétion au spectacle22« […] intervenir discrètement en amont, au niveau des conditions, pour infléchir la situation dans le sens souhaité ; et non pas en aval, dans le spectaculaire de l’action et l’urgence de la réparation. » (François JULLIEN, Les transformations silencieuses, op. cit., p. 153).. Savoir s’abstraire du jeu23« Laisser les portes du ciel s’ouvrir et se fermer, sans vouloir produire soi-même, sans s’ingérer. / Tout savoir, être informé de tout, et pourtant rester indifférent comme si on ne savait rien. / Produire, élever, sans faire sien ce qu’on a produit, sans exiger de retour pour son action, sans s’imposer à ceux qu’on gouverne. / Voilà la formule de l’action transcendante. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 10, p. 26)., au moins ponctuellement. Cultiver la patience, agir avec discernement, au bon moment24« Se méfiant de l’action héroïque, on croit plutôt [en Chine] au « non-agir » dont l’esprit authentique n’est point l’inaction, ni le désengagement, mais la patience d’attendre la transformation silencieuse, de suivre le déroulement naturel des choses pour, si l’occasion se présente, en tirer profit. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie, op. cit., p. 57).. Exprimer les idées subversives avec mesure25« Plus les idées sont subversives, plus il faut les exprimer avec mesure. Et si vous regardez bien la plupart des idées exprimées avec violence, on s’aperçoit qu’elles sont d’une grande platitude, une fois décapées de leur terminologie. » (Françoise GIROUD, Si je mens… Conversations avec Claude Glayman, 1972, Paris, éd. Stock, p. 127)., comme des évidences, pour éviter que ne se déchaîne une contre-réaction qui emporterait tout sur son passage.

2. L’efficacité de l’intervention

— Le point de mire (l’impulsion)

12. En Occident comme en Orient, l’art de l’influence repose sur le savant dosage de l’intervention — le wu wei (le non-agir) n’est point passivité, mais mise en conformité avec l’ordre des choses et, peut-être, une mise en disponibilité de son être, une ouverture permanente au flux du monde26« C’est un mouvement qui s’effectue dans un mode de temporalité très lent consistant à laisser venir, à ne pas (trop) intervenir, à ne pas opérer un tri parmi les perceptions. Le wu wei est une attention diffuse non focalisée, non précipitée, non arrêtée et bloquée sur une perception particulière, ce qui risquerait d’anticiper une position et de contrarier le flux d’un processus en cours. La conscience se déleste de toute intentionnalité, de toute finalité, de toute préméditation. » (François LAPLANTINE, « Wu Wei », op. cit.)..

À l’occidental, cette conception de la stratégie semble bien étrange et, pour tout dire, assez inefficace : lui sait bien que le but s’atteint en visant la cible et en y mettant toute son énergie. Sans doute. Mais il y a des cibles mouvantes et des tirs manqués, des contre-offensives et des réactions imprévues…

13. Tout projet comporte un but mais tout projet n’atteint pas son but. Et des résultats se produisent sans avoir été voulus : il est des résultats qui ne résultent pas d’objectifs — la volonté humaine n’est pas la source de toute réalisation concrète ; beaucoup se fait sans l’homme, beaucoup se fait contre lui.

Certes, ce n’est pas du wu wei que procède l’écriture des présentes Règles du jeu, saillantes et spectaculaires à certains égards ; mais leur conception en est bien inspirée, d’une retraite, d’un repli, presque d’une absence, d’un oubli de soi, d’une dissolution de l’être enfin dans la matière même du monde27Comp. « Le Sage fait durer sa vie, par la tempérance, la paix mentale, l’abstention de tout ce qui fatigue ou use. C’est pour cela qu’il se tient dans la retraite et l’obscurité. S’il en est tiré de force, il gouverne et administre d’après les mêmes principes, sans se fatiguer ni s’user, faisant le moins possible, si possible ne faisant rien du tout, afin de ne pas gêner la rotation de la roue cosmique, l’évolution universelle. » (Léon WIEGER, préface du Tao-Tei-King de LAO-TZEU, op. cit., p. 2-3)..

14. « Point vers lequel on dirige le tir de l’arme », le point de mire est aussi bien le « but auquel on tend » que « Ce qui attire les regards, les attentions »28« Point de mire, point vers lequel on dirige le tir de l’arme. Fig. Ce qui attire les regards, les attentions ; but auquel on tend. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., I. Mire, 1, loc.).. Dès l’impulsion donnée, le tireur est démasqué — sauf à se bien cacher, mais nul ne peut tirer en position de complète invulnérabilité — et sa cible est mise en lumière.

Du coup porté, l’observateur averti (le concurrent) saura déduire une trajectoire et, par extrapolation, il identifiera une cible ; alors pourra-t-il essayer de détruire ou dévier le projectile, de déplacer la cible ou devancer l’adversaire.

15. Mais ce premier coup porté pourra aussi agir comme une diversion — détourner l’attention du rival pour tenter un tir à couvert, au moins discrètement.

Parfois, il faut savoir subir quelques pertes pour engranger plus grande victoire29« Il en est des opinions hasardées comme des pions qu’on met en avant dans le jeu d’échecs : elles peuvent être battues ; mais elles ont contribué au gain de la partie. » (Johann Wolfgang VON GŒTHE, Maximes et réflexions, 1833, Paris, éd. Brockhaus et Avenarius [1842], p. 44)., sans pour autant perdre de vue la nécessaire proportionnalité devant guider toute action ou intervention30« Est-il sage de s’exposer à une grande perte, pour un mince avantage ? » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 44, p. 46). : économiser ses munitions ou les utiliser.

Dans la même perspective, la question du choix des moyens est fondamentale31« Que chacun se demande avec quel instrument il peut et doit agir sur son siècle. » (Johann Wolfgang VON GŒTHE, Maximes et réflexions, 1833, Paris, éd. Brockhaus et Avenarius [1842], p. 154).. Qui veut la fin veut les moyens, dit-on. Or, contrairement à ce que dit le proverbe32« Qui veut la fin veut les moyens, qui veut obtenir un résultat ne doit pas reculer devant les procédés à employer. La fin justifie les moyens, se dit pour excuser, par l’excellence du but à atteindre, l’emploi de moyens blâmables. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., II. Fin, II, 1, prov.)., la fin ne justifie pas toujours les moyens, puisque « certains moyens détruisent cette fin même qu’on veut faire triompher. »33« Peu à peu les échevins qui administrent la ville découvrent cette vérité : on ne peut pas atteindre une fin par n’importe quel moyen car certains moyens détruisent cette fin même qu’on veut faire triompher. » (Simone DE BEAUVOIR, Les bouches inutiles, 1945, Paris, éd. Gallimard, pièce en deux actes et huit tableaux, Quatrième de couverture).

16. La question temporelle est pareillement à considérer, celle du moment et de la vitesse de l’intervention : n’agir que lorsque l’action entreprise est réalisable34 « À proprement parler, toute idée progressive n’est bonne et vraie que lorsqu’elle devient réalisable. Les impatients ne conçoivent pas cela ; ils avancent les aiguilles de leur montre, et s’imaginent hâter le cours du temps. » (Adolphe PICTET, Une course à Chamounix. Conte fantastique, 1838, Paris, éd. Duprat, p. 178). (être en avance sur son temps, chose moins fréquente qu’on ne le dit, est une erreur de débutant), ce qui suppose d’une part de savoir attendre son heure35« Patience & longueur de temps / Font plus que force ni que rage. » (Jean DE LA FONTAINE, « Le lion et le rat », Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine, 1668, Paris, éd. Denys Thierry, Livre II, fable 11, p. 70)., d’autre part de se retirer en temps utile36« Se retirer, à l’apogée de son mérite et de sa renommée, voilà la voie du ciel. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 9, p. 25). (en bonne stratégie, mieux vaut retraite en bon ordre que départ à la débandade).

— La ligne de mire (l’induction)

17. Contrairement à la ligne de tir « qui prolonge à l’infini l’axe de l’âme du canon »37Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Ligne, I, 5, Artillerie., la ligne de mire s’arrête à l’objectif. Elle part de l’œil du tireur, passe par le cran de mire et le guidon de l’arme, puis se déploie jusqu’au cœur de la cible38« Ligne de mire, droite qui va de l’œil du tireur ou du pointeur à la cible en passant par le cran de mire ou l’œilleton de la hausse et par le guidon. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Ligne, I, 5, Artillerie)..

C’est cette ligne, artificielle, que l’on entend considérer (et critiquer) dans cette dernière partie consacrée à l’art de l’influence — droite fictive qui prétend relier la cause à la conséquence, l’effort à l’effet.

Or qui a déjà vu ses plans se dérouler sans accroc ? Qui peut croire que la pratique se pliera exactement à la théorie ? La « propension des choses »39« L’efficacité grecque s’appuie sur le pli de la théorie à la pratique, tandis que l’efficacité chinoise [s’appuie] sur la propension des choses. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie, op. cit., p. VI). Cf. François JULLIEN, La Propension des choses. Pour une histoire de l’efficacité en Chine, 1992, Paris, éd. du Seuil, 288 p.)., leur penchant naturel, tout simplement la vie, faussent les circonstances et déjouent les prévisions humaines.

En fait d’influence comme en de nombreuses matières, l’art de l’exécution doit venir seconder l’art de la stratégie40 « En fait d’application, il faut avoir réellement la main à l’œuvre pour savoir si l’on s’est trompé, et le fait d’une noble intelligence est de perfectionner ses plans en les exécutant. » (George SAND, Lettre au Prince Louis-Napoléon Bonaparte, déc. 1844, à Paris, dans George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tome II, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 328). : entre application et improvisation, corriger le tir et régler les paramètres.

18. La ligne de mire, en effet, et même la ligne de tir ouvrent un champ spatial et temporel, une situation nouvelle face à laquelle des personnes intéressées vont se positionner (les opposants et adjuvants, également les commentateurs).

En apparaissant, c’est-à-dire en advenant à la réalité, tout fait engendre des conséquences qu’il est impossible de prévoir dans leur exhaustivité41« […] sur le plan de l’idée, les effets d’une action dépassent les intentions de celui qui déclenche cette action. » (Edgar MORIN (avec Boris Cyrulnik), Dialogue sur la nature humaine, 2000, La Tour-d’Aigues, éd. de l’Aube, p. 54). (sans parler de l’inconséquence coupable des novices et des faquins42« Il y a, malheureusement, quantité de gens qui, par inconscience ou indifférence, ne se rendent pas compte de la portée de leurs gestes et de leurs actions, et de la répercussion qu’ils peuvent avoir, et c’est pourquoi on rencontre tant d’individus qui se réclament d’une idée ou d’une autre, par dilettantisme, parce que cela pose ou sonne bien à l’oreille. » (Jean MARESTAN, « Dilettantisme », dans Sébastien FAURE (dir.), Encyclopédie anarchiste, Tome I, 1934, Paris, éd. de la librairie internationale, Dilettantisme, pp. 574-575, spéc. p. 574).) ; un concurrent habile pourrait détecter des éléments porteurs et parvenir à retourner le potentiel de la situation43« […] si infimes que soient d’abord les facteurs porteurs repérés au sein de la situation, qui sait les faire croître pourra faire basculer le « potentiel de la situation » de son côté […] (François JULLIEN, Les transformations silencieuses, op. cit., p. 148)..

Souvent, l’expéditeur se fait renvoyer par le destinataire la salve qu’il s’était plu à lui jeter au visage — c’est la loi du karma, dont on comprend qu’elle n’intervient pas seulement par décision divine mais aussi par la volonté des hommes.

19. À ce stade, le lien entre la ligne de mire et l’influence par induction n’est pas évident. Est-ce le tir qui atteint la cible ou bien la cible qui appelle le tir ? Question saugrenue.

Pourtant le tir, qu’il atteigne la cible ou non, peut déclencher un contre-tir qui, du premier tireur, fera sa cible : celui qui ouvre le feu doit s’attendre à le recevoir.

Mais baissons les armes et imaginons une influence sans lutte — c’en est d’ailleurs la forme la plus courante. L’intelligence reste le mode le plus sûr de l’influence, la pureté également — songez aux prophètes, aux précurseurs, aux visionnaires. Plus que du discours, la persuasion procède de l’aura44« Un clerc mondain ou irréligieux, s’il monte en chaire, est déclamateur. / Il y a au contraire des hommes saints, et dont le seul caractère est efficace pour la persuasion : ils paraissent, et tout un peuple qui doit les écouter est déjà ému et comme persuadé par leur présence ; le discours qu’ils vont prononcer fera le reste. » (Jean DE LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet, p. 338). ; et l’homme vertueux a déjà convaincu avant que d’avoir ouvert la bouche45« Tout ce qu’on a d’idées à répandre et à faire comprendre suffirait à la situation, si les hommes qui représentent ces idées étaient bons ; ce qui pèche, ce sont les caractères. La vérité n’a de vie que dans une âme droite et d’influence que dans une bouche pure. Les hommes sont faux, ambitieux, vaniteux, égoïstes, et le meilleur ne vaut pas le diable ; c’est bien triste à voir de près ! » (George SAND, Lettre à Maurice Sand, 17 avr. 1848, à Paris, dans George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tome III, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 40)..

Mais tout le monde n’est pas irréprochable — mieux vaut ne pas jouer les moralisateurs dans ce cas-là car rien n’est plus tentant que de faire chuter de son piédestal de sainteté le vulgaire imposteur.

Utiliser la force de l’adversaire (l’opinion admet parfaitement que l’on se batte avec les armes d’un concurrent) ou, mieux encore, lui opposer l’esquive pour le pousser à la dispersion, lui ouvrir l’espace où il épuisera son art46« Dans le jiu-jitsu, l’on s’efforce d’attirer et d’aspirer la force de l’adversaire par la non-résistance, c’est-à-dire le vide, tout en conservant sa propre force pour la lutte finale. Appliqué à l’art, ce principe essentiel se démontre par la valeur de la suggestion. En ne disant pas tout, l’artiste laisse au spectateur l’occasion de compléter son idée et c’est ainsi qu’un grand chef-d’œuvre retient irrésistiblement notre attention jusqu’à ce que nous croyions momentanément faire partie de lui. Il y a là un vide où nous pouvons pénétrer et que nous pouvons remplir de la mesure entière de notre émotion artistique. » (Okakura KAKUZO, Le livre du thé, 1906, Paris, éd. André Delpeuch [1927], p. 72-73)..

« De concept descriptif, la transformation silencieuse pourrait-elle devenir un art de gérer ? Peut-on, autrement dit, faire des transformations silencieuses un concept qui soit stratégique, et même à vocation politique ? Retourner ainsi la transformation silencieuse en concept de la conduite impliquera de penser, non seulement ce que peut être, sur un mode antagoniste, une pratique de l’érosion et de l’épuisement graduel de l’adversaire ; mais aussi, plus généralement et de façon positive, ce que peut être une gestion par induction. Plutôt que de prétendre projeter immédiatement son action sur le cours des choses et de l’y imposer, « induire », c’est savoir engager discrètement un processus, de loin, mais tel qu’il soit porté de lui-même à se développer ; et que, s’infiltrant dans la situation, il parvienne, peu à peu et sans même qu’on s’en rende compte, à silencieusement la transformer. Ce qui reviendra à envisager, face aux pouvoirs de la modélisation, dont nous connaissons les effets détonants dans la science et qui ont assuré le succès technique de l’Occident moderne, quel serait un art de la maturation. »47François JULLIEN, Les transformations silencieuses, op. cit., p. 146.

Références

  • Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., I. Mire, II. Fin, Ligne.
  • Simone DE BEAUVOIR, Les bouches inutiles, 1945, Paris, éd. Gallimard, pièce en deux actes et huit tableaux, Quatrième de couverture.
  • Jean-François BILLETER, Contre François Jullien, 2006, Paris, éd. Allia [2018].
  • Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962].
  • Stéphanie Félicité DE GENLIS, Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la cour, Tome I, 1818, Paris, éd. P. Mongie, Intrigue.
  • Françoise GIROUD, Si je mens… Conversations avec Claude Glayman, 1972, Paris, éd. Stock.
  • Johann Wolfgang VON GŒTHE, Maximes et réflexions, 1833, Paris, éd. Brockhaus et Avenarius [1842].
  • François JULLIEN, La Propension des choses. Pour une histoire de l’efficacité en Chine, 1992, Paris, éd. du Seuil.
  • François JULLIEN, Les transformations silencieuses, 2009, Paris, éd. Le livre de poche [2010].
  • François JULLIEN, Traité de l’efficacité, 1997, Paris, éd. Grasset.
  • Okakura KAKUZO, Le livre du thé, 1906, Paris, éd. André Delpeuch [1927].
  • LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, dans Les pères du système taoïste, Tome 2, 1913, Ho-kien-fou (Chine), impr. de Hien Hien, trad. Léon Wieger.
  • Jean de LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet.
  • Jean DE LA FONTAINE, « Le lion et le rat », Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine, 1668, Paris, éd. Denys Thierry, Livre II, fable 11.
  • François LAPLANTINE, « Wu Wei », Anthropen, Le dictionnaire francophone d’anthropologie ancré dans le contemporain [en ligne], Université Laval (Québec), 1er sept. 2016.
  • Antoine DE LA SALLE, La mécanique morale ou Essai sur l’art de perfectionner et d’employer ses organes, propres, acquis et conquis, Tome 1er, 1789, Genève
  • Jean MARESTAN, « Dilettantisme », dans Sébastien FAURE (dir.), Encyclopédie anarchiste, Tome I, 1934, Paris, éd. de la librairie internationale.
  • Maurice MERLEAU-PONTY, Sens et non-sens, 2e éd., 1948, Paris, éd. Nagel.
  • Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre II, chap. 29.
  • Edgar MORIN (avec Boris Cyrulnik), Dialogue sur la nature humaine, 2000, La Tour-d’Aigues, éd. de l’Aube.
  • Adolphe PICTET, Une course à Chamounix. Conte fantastique, 1838, Paris, éd. Duprat.
  • Jacqueline DE ROMILLY, Pourquoi la Grèce ?, 1992, Paris, Le livre de poche [2010].
  • George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tomes II et III, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy.
  • Jean-Paul SARTRE, Les mots, 1964, Paris, éd. Gallimard, coll. nrf.
  • Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie. Une exploration de la pensée de François Jullien, 2012, Thèse de littérature, Université Michel de Montaigne — Bordeaux III / Université de Wuhan (Chine).

Illustrations

Vestiges de la ville de Khorsabad (capitale du roi néo-assyrien Sargon II) au Louvre (Département des Antiquités orientales), sur lesquels écouter « Les Taureaux ailés de Khorsabad » (un podcast du Louvre).

  • Moulage, relief mural (AO 30228), -721/-705, illustration 1.
  • Moulage, relief mural (AO 30043), -721/-705, illustration 5.
  • Relief mural (AO 19858), -721/-705, illustration 7.
  • Relief mural (AO 19857), -721/-705, illustrations 2, 9, 10 et 11.
  • Voir également cet autre relief mural.

  • 1
    « L’existence, au sens moderne, c’est le mouvement par lequel l’homme est au monde, s’engage dans une situation physique et sociale qui devient son point de vue sur le monde. » (Maurice MERLEAU-PONTY, Sens et non-sens, 1947, Paris, éd. Nagel, p. 124-125).
  • 2
    « Ainsi, cette partie de la liberté de l’homme qui dépend de la constitution des organes mis à sa portée & de l’usage qu’il en sait faire ; comprend, l’art d’user de soi-même, & l’art d’user des autres ». (Antoine DE LA SALLE, La mécanique morale ou Essai sur l’art de perfectionner et d’employer ses organes, propres, acquis et conquis, Tome 1er, 1789, Genève, p. 2).
  • 3
    « Cependant, il faut plus de sens et de finesse pour bien intriguer qu’on ne le croit. Un intrigant a quelquefois des vues lumineuses. Souvent des gens très médiocres à d’autres égards, sont étonnants dans ce genre, par leur pénétration et leur prévoyance ; il semblerait que ces gens-là feraient d’habiles négociateurs ; mais ce ne serait que dans certains cas seulement ; la droiture les déjouerait, ou du moins les dérouterait. » (Stéphanie Félicité DE GENLIS, Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la cour, Tome I, 1818, Paris, éd. P. Mongie, Intrigue, pp. 291-292).
  • 4
    « […] notre raison est influençable par toutes sortes de phénomènes. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre II, chap. 29, p. 859).
  • 5
    « La publicité de masse est la plus éclatante démonstration de l’illusion que l’homme a d’être libre. » (Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962], p. 155).
  • 6
    « […] le propre du héros est aussi d’imprimer son action sur le monde en l’affrontant […] » (François JULLIEN, Traité de l’efficacité, 1997, Paris, éd. Grasset, p. 70).
  • 7
    « Tel est l’héroïsme. Par son existence même, il préserve, moralement, la dignité et l’autonomie de l’homme, jusque dans les moments où celui-ci succombe. » (Jacqueline DE ROMILLY, Pourquoi la Grèce ?, 1992, Paris, Le livre de poche [2010], p. 54).
  • 8
    « Prenons l’exemple de l’efficacité, les Européens ont déjà pensé, à l’âge grec, à partir de la conception d’un « idéal », qui va donner naissance à la construction théorique, à la fixation du pli « théorie-pratique » ; la pensée chinoise n’a jamais eu l’occasion de développer cette conception, par contre, la tradition agricole lui a permis de remarquer la place décisive du ciel, de l’univers qui transforme tout en silence. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie. Une exploration de la pensée de François Jullien, 2012, Thèse de littérature, Université Michel de Montaigne — Bordeaux III / Université de Wuhan (Chine), p. 57).
  • 9
    « […] le wou-wei n’est donc pas de l’inaction […], mais une action qui ne force pas […] » (Jean-François BILLETER, Contre François Jullien, 2006, Paris, éd. Allia [2018], p. 108).
  • 10
    « Ceux qui en font trop, gâtent leur affaire. Ceux qui serrent trop fort, finissent par lâcher. Le Sage qui n’agit pas, ne gâte aucune affaire. Comme il ne tient à rien, rien ne lui échappe. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, dans Les pères du système taoïste, Tome 2, 1913, Ho-kien-fou (Chine), impr. de Hien Hien, trad. Léon Wieger, chap. 64, p. 55).
  • 11
    « Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde. / On a souvent besoin d’un plus petit que soi. » (Jean DE LA FONTAINE, « Le lion et le rat », Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine, 1668, Paris, éd. Denys Thierry, Livre II, fable 11, p. 69).
  • 12
    « Ainsi de ne pas promettre de succès ostensibles dans les cent jours, mais de faire en sorte que du potentiel revienne, que la situation se recompose, que les « indicateurs » commencent à s’inverser et que la confiance, d’elle-même, soit appelée à reparaître. » (François JULLIEN, Les transformations silencieuses, Paris, éd. Le livre de poche [2010], p. 153).
  • 13
    « La tradition européenne a reconnu du mérite à l’audace, le penseur taoïste célèbre pour sa part la « non-audace »… Deux logiques s’opposent, en effet : d’une part, celle de l’activisme, qui est celle d’une dépense et d’une accumulation sans fin, sur le mode du toujours plus, selon laquelle on ne cesse d’apprendre davantage, ou de vouloir aller plus loin ; et de l’autre, à l’inverse, celle selon laquelle on ne cesse de retrancher de son ingérence, de réduire son affairement. » (François JULLIEN, Traité de l’efficacité, op. cit., p. 112).
  • 14
    « Telle qu’elle est conçue en Europe, l’occasion fait naître le plaisir du risque, de la surprise, de l’inconnu. Plaisir de l’aventure, en un mot, dont est tiré aussi celui du récit. Envisagée comme une rencontre hasardeuse, l’occasion incite et fait rêver, son économie serait plus liée, en fin de compte, au désir qu’à l’efficacité… Logique du plaisir ou de l’efficacité — ici les voies divergent. En suivant ce qui s’annonçait comme la voie européenne de l’efficacité (en fonction de cette articulation de base : but-action-occasion), nous nous sommes trouvés engagés dans une direction dont on découvre finalement qu’elle conduit à l’héroïsme plus qu’à la stratégie… Nous ne serions peut-être jamais sortis de l’épopée… » (Ibid., p. 107).
  • 15
    « À ce jeu [celui des causes et des effets], le Sage laisse son libre cours. Il s’abstient d’intervenir, ou par action physique, ou par pression morale. Il se garde de mettre son doigt dans l’engrenage des causes, dans le mouvement perpétuel de l’évolution naturelle, de peur de fausser ce mécanisme compliqué et délicat. Tout ce qu’il fait, quand il fait quelque chose, c’est de laisser voir son exemple. Il laisse à chacun sa place au soleil, sa liberté, ses œuvres. Il ne s’attribue pas l’effet général produit (le bon gouvernement), lequel appartient à l’ensemble des causes. Par suite, cet effet (le bon ordre) n’étant pas en butte à la jalousie ou à l’ambition d’autrui, a des chances de durer. » (Léon WIEGER, commentaire du Tao-Tei-King de LAO-TZEU, op. cit., p. 19-20).
  • 16
    « Cela étant, le Sage sert sans agir, enseigne sans parler. / Il laisse tous les êtres, devenir sans les contrecarrer, vivre sans les accaparer, agir sans les exploiter. / Il ne s’attribue pas les effets produits, et par suite ces effets demeurent. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 2, p. 19).
  • 17
    « Pour coopérer avec le ciel dans le gouvernement des hommes, l’essentiel c’est de tempérer son action. Cette modération doit être le premier souci. Elle procure l’efficacité parfaite, laquelle réussit à tout, même à gouverner l’empire. » (Ibid., chap. 59, p. 53).
  • 18
    « Pour celui qui tient l’empire, vouloir le manipuler (agir positivement, gouverner activement), à mon avis, c’est vouloir l’insuccès. L’empire est un mécanisme d’une délicatesse extrême. Il faut le laisser aller tout seul. Il n’y faut pas toucher. Qui le touche, le détraque. Qui veut se l’approprier, le perd. » (Ibid., chap. 29, p. 38).[/mfn), tout semble s’expliquer par l’action conjointe et symétrique du yin et du yang — archétype de la polarité féconde — auxquels l’être humain doit se fondre par le wu wei ou non-agir18« Quant à la notion chinoise de wu wei, que l’on traduit habituellement par passivité ou non agir, elle désigne ou plutôt suggère une attitude de réceptivité et de disponibilité extrême aux évènements et aux situations dans lesquels nous nous trouvons inclus et impliqués sans en avoir la maîtrise. » (François LAPLANTINE, « Wu Wei », Anthropen, Le dictionnaire francophone d’anthropologie ancré dans le contemporain [en ligne], Université Laval (Québec), 1er sept. 2016).
  • 19
    « Par petites touches bien placées, Charles me persuadait que je n’avais pas de génie. Je n’en avais pas, en effet, je le savais, je m’en foutais ; absent, impossible, l’héroïsme faisait l’unique objet de ma passion : c’est la flambée des âmes pauvres, ma misère intérieure et le sentiment de ma gratuité m’interdisaient d’y renoncer tout à fait. » (Jean-Paul SARTRE, Les mots, 1964, Paris, éd. Gallimard, coll. nrf, p. 135).
  • 20
    « Un vent impétueux ne se soutient pas durant une matinée, une pluie torrentielle ne dure pas une journée. Et pourtant ces effets sont produits par le ciel et la terre, (les plus puissants de tous les agents. Mais ce sont des effets forcés, exagérés, voilà pourquoi ils ne peuvent pas être soutenus). Si le ciel et la terre ne peuvent pas soutenir une action forcée, combien moins l’homme le pourra-t-il. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 23, p. 35).
  • 21
    « Peu parler, et n’agir que sans effort, voilà la formule. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 23, p. 35).
  • 22
    « […] intervenir discrètement en amont, au niveau des conditions, pour infléchir la situation dans le sens souhaité ; et non pas en aval, dans le spectaculaire de l’action et l’urgence de la réparation. » (François JULLIEN, Les transformations silencieuses, op. cit., p. 153).
  • 23
    « Laisser les portes du ciel s’ouvrir et se fermer, sans vouloir produire soi-même, sans s’ingérer. / Tout savoir, être informé de tout, et pourtant rester indifférent comme si on ne savait rien. / Produire, élever, sans faire sien ce qu’on a produit, sans exiger de retour pour son action, sans s’imposer à ceux qu’on gouverne. / Voilà la formule de l’action transcendante. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 10, p. 26).
  • 24
    « Se méfiant de l’action héroïque, on croit plutôt [en Chine] au « non-agir » dont l’esprit authentique n’est point l’inaction, ni le désengagement, mais la patience d’attendre la transformation silencieuse, de suivre le déroulement naturel des choses pour, si l’occasion se présente, en tirer profit. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie, op. cit., p. 57).
  • 25
    « Plus les idées sont subversives, plus il faut les exprimer avec mesure. Et si vous regardez bien la plupart des idées exprimées avec violence, on s’aperçoit qu’elles sont d’une grande platitude, une fois décapées de leur terminologie. » (Françoise GIROUD, Si je mens… Conversations avec Claude Glayman, 1972, Paris, éd. Stock, p. 127).
  • 26
    « C’est un mouvement qui s’effectue dans un mode de temporalité très lent consistant à laisser venir, à ne pas (trop) intervenir, à ne pas opérer un tri parmi les perceptions. Le wu wei est une attention diffuse non focalisée, non précipitée, non arrêtée et bloquée sur une perception particulière, ce qui risquerait d’anticiper une position et de contrarier le flux d’un processus en cours. La conscience se déleste de toute intentionnalité, de toute finalité, de toute préméditation. » (François LAPLANTINE, « Wu Wei », op. cit.).
  • 27
    Comp. « Le Sage fait durer sa vie, par la tempérance, la paix mentale, l’abstention de tout ce qui fatigue ou use. C’est pour cela qu’il se tient dans la retraite et l’obscurité. S’il en est tiré de force, il gouverne et administre d’après les mêmes principes, sans se fatiguer ni s’user, faisant le moins possible, si possible ne faisant rien du tout, afin de ne pas gêner la rotation de la roue cosmique, l’évolution universelle. » (Léon WIEGER, préface du Tao-Tei-King de LAO-TZEU, op. cit., p. 2-3).
  • 28
    « Point de mire, point vers lequel on dirige le tir de l’arme. Fig. Ce qui attire les regards, les attentions ; but auquel on tend. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., I. Mire, 1, loc.).
  • 29
    « Il en est des opinions hasardées comme des pions qu’on met en avant dans le jeu d’échecs : elles peuvent être battues ; mais elles ont contribué au gain de la partie. » (Johann Wolfgang VON GŒTHE, Maximes et réflexions, 1833, Paris, éd. Brockhaus et Avenarius [1842], p. 44).
  • 30
    « Est-il sage de s’exposer à une grande perte, pour un mince avantage ? » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 44, p. 46).
  • 31
    « Que chacun se demande avec quel instrument il peut et doit agir sur son siècle. » (Johann Wolfgang VON GŒTHE, Maximes et réflexions, 1833, Paris, éd. Brockhaus et Avenarius [1842], p. 154).
  • 32
    « Qui veut la fin veut les moyens, qui veut obtenir un résultat ne doit pas reculer devant les procédés à employer. La fin justifie les moyens, se dit pour excuser, par l’excellence du but à atteindre, l’emploi de moyens blâmables. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., II. Fin, II, 1, prov.).
  • 33
    « Peu à peu les échevins qui administrent la ville découvrent cette vérité : on ne peut pas atteindre une fin par n’importe quel moyen car certains moyens détruisent cette fin même qu’on veut faire triompher. » (Simone DE BEAUVOIR, Les bouches inutiles, 1945, Paris, éd. Gallimard, pièce en deux actes et huit tableaux, Quatrième de couverture).
  • 34
    « À proprement parler, toute idée progressive n’est bonne et vraie que lorsqu’elle devient réalisable. Les impatients ne conçoivent pas cela ; ils avancent les aiguilles de leur montre, et s’imaginent hâter le cours du temps. » (Adolphe PICTET, Une course à Chamounix. Conte fantastique, 1838, Paris, éd. Duprat, p. 178).
  • 35
    « Patience & longueur de temps / Font plus que force ni que rage. » (Jean DE LA FONTAINE, « Le lion et le rat », Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine, 1668, Paris, éd. Denys Thierry, Livre II, fable 11, p. 70).
  • 36
    « Se retirer, à l’apogée de son mérite et de sa renommée, voilà la voie du ciel. » (LAO-TZEU, Le Tao-Tei-King, op. cit., chap. 9, p. 25).
  • 37
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Ligne, I, 5, Artillerie.
  • 38
    « Ligne de mire, droite qui va de l’œil du tireur ou du pointeur à la cible en passant par le cran de mire ou l’œilleton de la hausse et par le guidon. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Ligne, I, 5, Artillerie).
  • 39
    « L’efficacité grecque s’appuie sur le pli de la théorie à la pratique, tandis que l’efficacité chinoise [s’appuie] sur la propension des choses. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie, op. cit., p. VI). Cf. François JULLIEN, La Propension des choses. Pour une histoire de l’efficacité en Chine, 1992, Paris, éd. du Seuil, 288 p.).
  • 40
    « En fait d’application, il faut avoir réellement la main à l’œuvre pour savoir si l’on s’est trompé, et le fait d’une noble intelligence est de perfectionner ses plans en les exécutant. » (George SAND, Lettre au Prince Louis-Napoléon Bonaparte, déc. 1844, à Paris, dans George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tome II, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 328).
  • 41
    « […] sur le plan de l’idée, les effets d’une action dépassent les intentions de celui qui déclenche cette action. » (Edgar MORIN (avec Boris Cyrulnik), Dialogue sur la nature humaine, 2000, La Tour-d’Aigues, éd. de l’Aube, p. 54).
  • 42
    « Il y a, malheureusement, quantité de gens qui, par inconscience ou indifférence, ne se rendent pas compte de la portée de leurs gestes et de leurs actions, et de la répercussion qu’ils peuvent avoir, et c’est pourquoi on rencontre tant d’individus qui se réclament d’une idée ou d’une autre, par dilettantisme, parce que cela pose ou sonne bien à l’oreille. » (Jean MARESTAN, « Dilettantisme », dans Sébastien FAURE (dir.), Encyclopédie anarchiste, Tome I, 1934, Paris, éd. de la librairie internationale, Dilettantisme, pp. 574-575, spéc. p. 574).
  • 43
    « […] si infimes que soient d’abord les facteurs porteurs repérés au sein de la situation, qui sait les faire croître pourra faire basculer le « potentiel de la situation » de son côté […] (François JULLIEN, Les transformations silencieuses, op. cit., p. 148).
  • 44
    « Un clerc mondain ou irréligieux, s’il monte en chaire, est déclamateur. / Il y a au contraire des hommes saints, et dont le seul caractère est efficace pour la persuasion : ils paraissent, et tout un peuple qui doit les écouter est déjà ému et comme persuadé par leur présence ; le discours qu’ils vont prononcer fera le reste. » (Jean DE LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet, p. 338).
  • 45
    « Tout ce qu’on a d’idées à répandre et à faire comprendre suffirait à la situation, si les hommes qui représentent ces idées étaient bons ; ce qui pèche, ce sont les caractères. La vérité n’a de vie que dans une âme droite et d’influence que dans une bouche pure. Les hommes sont faux, ambitieux, vaniteux, égoïstes, et le meilleur ne vaut pas le diable ; c’est bien triste à voir de près ! » (George SAND, Lettre à Maurice Sand, 17 avr. 1848, à Paris, dans George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tome III, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 40).
  • 46
    « Dans le jiu-jitsu, l’on s’efforce d’attirer et d’aspirer la force de l’adversaire par la non-résistance, c’est-à-dire le vide, tout en conservant sa propre force pour la lutte finale. Appliqué à l’art, ce principe essentiel se démontre par la valeur de la suggestion. En ne disant pas tout, l’artiste laisse au spectateur l’occasion de compléter son idée et c’est ainsi qu’un grand chef-d’œuvre retient irrésistiblement notre attention jusqu’à ce que nous croyions momentanément faire partie de lui. Il y a là un vide où nous pouvons pénétrer et que nous pouvons remplir de la mesure entière de notre émotion artistique. » (Okakura KAKUZO, Le livre du thé, 1906, Paris, éd. André Delpeuch [1927], p. 72-73).
  • 47
    François JULLIEN, Les transformations silencieuses, op. cit., p. 146.