Introduction
1. Qu’est-ce que la monnaie ? Ce qu’on appelle communément argent et qui prend mille formes (des pièces, des billets, des chèques, des lettres de change, des métaux précieux, des timbres, des lignes de compte, des écritures, des points, des codes), la monnaie est une notion économique et juridique, difficile à saisir, impossible à cerner. À l’instar de ce que Saint Augustin disait du temps1« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. » (SAINT AUGUSTIN, Les Confessions, 397-401 ap. J.-C., dans Œuvres complètes, Tome 1, 1864, Bar-le-Duc, éd. Guérin, trad. Poujoulat & Raulx, Livre XI, chap. 14, p. 479., chacun sait ce qu’est la monnaie mais personne n’est capable de l’expliquer. L’autrice s’en était déjà rendu compte en écrivant sa thèse : la monnaie échappe à tout le monde mais les spécialistes font semblant de la connaître…
2. Notion économique et juridique dont chacun fait l’apprentissage en utilisant pièces et billets (passage de la petite souris2« En France et dans la plupart des pays francophones, les enfants connaissent la petite souris qui vient pour les dents de lait. En effet, lorsque l’enfant perd une dent de lait, la tradition veut que la petite souris la récupère et la remplace par une pièce. […] L’origine de cette croyance viendrait d’un conte français, « La Bonne Petite Souris », écrit par la baronne d’Aulnay au XVIIe siècle, sous le règne du roi Louis XIV. L’histoire raconte qu’une fée se transforme en petite souris pour aider une reine à se défendre contre un méchant roi. La souris se cache sous l’oreiller de ce dernier, et lui fait tomber toutes ses dents. » (Edwige SOSSOU-GERVAIS, « Petite souris des dents de lait : d’où vient la tradition ? », Passeport Santé [en ligne], 20 janv. 2022)., achat de bonbons à la boulangerie, jeu de la marchande, partie de Monopoly, etc.), la monnaie est une abstraction qui trouve sa concrétisation dans la manipulation d’objets (coquillages, pièces, cartes) mais repose sur un principe purement spéculatif : la confiance3« […] depuis au moins 100 000 ans, tout être humain ordinaire ayant atteint l’âge de raison dispose d’une capacité cognitive à placer de la valeur dans des signes (ici les billes) et d’une capacité sociale à évaluer la confiance qu’il peut accorder aux personnes (ainsi qu’aux signes émis par les personnes ou les institutions, ce qui permet au passage de mieux comprendre le succès qu’ont eu les monnaies métalliques qui doublent la confiance en l’État par celle en la relative valeur d’usage ou d’échange de l’or et de l’argent). » (Thierry WENDLING, « Les origines ludiques de la notion de monnaie », Revue du MAUSS, 2015/1, n° 45, pp. 191-213, spéc. p. 203)., c’est-à-dire la croyance4« Ce mot : « Un prêtre ! » fut entendu par plusieurs personnes, et fit naître un brouhaha goguenard que poussèrent les boursiers, tous gens qui réservent leur foi pour croire qu’un chiffon de papier, nommé une inscription, vaut un domaine. Le Grand-livre est leur Bible. » (BALZAC, Melmoth réconcilié, 1835, dans Œuvres complètes de H. de Balzac, Tome 14, 1855, Paris, éd. Houssiaux, p. 279).. Comme celle du livre5Valérie DEBRUT, « Inventer le livre numérique », écrire la règle du jeu [en ligne], 24 avr. 2019, §1-2., l’histoire de la monnaie enregistre la mutation des usages et des supports (monnaie fiduciaire, monnaie scripturale, monnaie électronique), mutation qui interroge jusqu’à la nature même de l’argent.
3. Or, à considérer aussi bien la diversité des formes (le métal, le papier, le code) que celle des modalités (l’émetteur, le cours, la devise), il apparaît d’abord que les monnaies étatiques ne sont que des monnaies parmi d’autres, certes plus étendues, plus fortes et plus stables. Une monnaie étatique est, en effet, d’ordre public : elle est obligatoire pour tout paiement en argent6« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. » (Code civil, article 1343-3). ; ce qui semble un pléonasme (mais on peut payer en nature) aboutit en pratique à exclure, du moins en principe, l’usage de monnaies privées. La monnaie est pareillement libératoire : le paiement en argent éteint automatiquement la dette ; le créancier qui a perçu la somme n’a plus aucun droit contre son débiteur et, d’ailleurs, le créancier ne peut pas refuser des espèces pour une créance inférieure à mille euros, en France du moins.
4. Toutes ces règles garantissent les droits des utilisateurs et usagers de la monnaie (utilisateurs et usagers car la monnaie est autant un bien privé qu’un service public) ; elles garantissent également le bon déroulement des transactions civiles, commerciales et financières7« Le prince est obligé en justice & en honneur, envers ses sujets & les étrangers qui trafiquent avec eux, de ne point faire de changement dans la monnaie. » (JAUCOURT, « Monnoie », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome 10, 1751/1772, Paris, éd. Le Breton, Durand, Briasson & David, p. 645).. Il apparaît ensuite que toute monnaie, quelle qu’elle soit, est un système de signes qui symbolisent des valeurs8« Dans les États qui font le commerce d’économie, on a heureusement établi des banques, qui par leur crédit ont formé de nouveaux signes des valeurs. » (MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Tome 2, 1748, Genève, éd. Barrillot, Livre XX, chap. 9, p. 10). : la monnaie est système de valeurs autant que système de signes. Encore faudrait-il, pour que cette définition soit exacte, qu’il n’existe pas (hors de la monnaie) de systèmes de signes symbolisant des valeurs.
5. Mais le système métrique par exemple ou le système pondéral9« Il [Allah] a élevé le ciel. / Il a établi la balance : / ne fraudez pas sur le poids ; / évaluez la pesée avec exactitude ; / ne faussez pas la balance. » (Le Coran, VIIe s., Paris, éd. Gallimard [1967], coll. Bibliothèque de la Pléiade, trad. Denise Masson, Sourate 55, versets 7-9, p. 663). ne sont-ils pas également des systèmes de valeurs (et même des systèmes de signes symbolisant des valeurs) ? Un jeu de cartes est pareillement un système de signes (des chiffres et des figures) qui renvoient à des valeurs (des points et des atouts). Ainsi, ce qui différencie la monnaie comme système de signes, c’est qu’elle symbolise des valeurs qui permettent de passer des transactions, c’est-à-dire de conclure des contrats et d’échanger des marchandises10« […] à mesure que l’on se procura des ressources plus étendues, et des objets plus rares, par l’importation de ce dont on manquait, et par l’exportation de ce qu’on possédait en plus grande abondance, l’usage de la monnaie dut nécessairement s’introduire ; parce que les objets dont la nature nous fait un besoin ne sont pas toujours faciles à transporter. » (ARISTOTE, La Politique, IVe s. av. J.-C., Paris, éd. Didot [1824], Livre I, chap. 3, §13, trad. Jean-François Thurot, pp. 35-36).. Par conséquent, l’autrice entend par monnaie tout système de signes (1) symbolisant des valeurs de transaction (2).
1. Un système de signes
6. Système de signes symbolisant des valeurs de transaction : l’autrice était toute contente de sa définition jusqu’à ce qu’elle trouve — sous la plume de l’encyclopédiste Jaucourt — que « la monnaie est un signe qui représente la valeur, la mesure de tous les effets d’usage, & est donnée comme le prix de toutes choses. »11 JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 644. Voilà comment se trouve ruinée une entrée en matière qui s’annonçait brillante…
— Une signalétique
7. A-t-on défini le signe, élément sur la base duquel a été fondée une science assez récente, la sémiologie12« On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale ; nous la nommerons sémiologie (du grec sēmeîon, « signe »). Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. » (Ferdinand DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, 1916 [posthume], Lausanne, éd. Payot, p. 33). ? Le signe — qui donne signal, signalétique, signification, signature, ainsi que seing, sceau, enseigne, insigne et les verbes assigner, consigner, désigner —, ce signe s’annonce comme une marque qui montre13« On appelle de ce nom tout effet apparent, par le moyen duquel on parvient à la connaissance d’un effet plus caché, dérobé au témoignage des sens. Ainsi le phénomène ou symptôme, peut devenir un signe lorsqu’on cesse de le considérer abstractivement, & qu’on s’en sert comme d’un flambeau pour percer dans l’intérieur obscur de l’homme sain ou malade. » (Jean-Joseph MENURET DE CHAMBAUD, « Signe (Médecine) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 15, p. 188). : en grec ancien en effet, le signe se dit σημεῖον (sêmeion) — c’est lui qui donne sémiologie —, nom provenant d’un verbe indo-européen dʰḙiə- voulant dire montrer. Plus précisément, le signe joue comme un « Élément distinctif propre à une personne ou à une chose, permettant de l’identifier »14Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Signe, 2. : le signe « témoigne de l’existence, de la réalité d’une chose ou avertit de sa survenue, de sa réalisation prochaine. »15 Ibid., 1.
8. Mais c’est de signalétique qu’il s’agit dans ce paragraphe, l’« Ensemble des éléments qui permettent aux usagers d’un lieu, d’un équipement collectif de s’y repérer. »16Ibid., V° Signalétique, 2. La signalétique est similairement la science de la signalisation, voire « […] l’étude des systèmes de signes agissant au sein de la vie sociale. »17Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », Communication et langages, 1977, n° 36, pp. 32-43, spéc. p. 33. Or signaliser est autre chose que signifier, c’est « donner certaines informations au moyen de signes »18Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Signalisation, 1., procéder à la « Mise en place de divers signes et signaux dans un espace, sur un parcours afin de règlementer, de faciliter le déplacement des véhicules ou des personnes qui l’empruntent et d’assurer leur sécurité »19Ibid., 1, Spécialement..
9. Curieuse manière de voir la monnaie, et pourtant : baladez-vous dans un centre commercial ou au cœur d’une ville et vous observerez que sont offertes à l’achat quantité de marchandises qui, toutes, portent un prix indiquant à l’acheteur potentiel s’il a les moyens ou non de se les offrir. Les gammes de prix donc — qui se déduisent également des enseignes et devantures — indiquent même au consommateur s’il est opportun pour lui d’entrer dans telle boutique ou non, selon l’argent dont il dispose. En économie, on parle bien de signal-prix, le prix étant réputé jouer comme un signal à même d’influencer le comportement des consommateurs et d’orienter leurs choix.
10. L’autrice aimerait insister : « Le signal ne fonctionne jamais comme une unité isolée. »20Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », article précité, p. 36. Or la pièce de monnaie comme le prix d’un objet font partie de systèmes (le système monétaire pour la première, le système économique pour le second) qui les mettent en relation les uns avec les autres21« Le système, structuré par oppositions binaires, fonctionne également par des opérations de sélection qui supposent un jeu de « mise en relation » des signaux avec d’autres signaux déjà existants, dans le système lui-même ou hors du système. » (Ibid., p. 42). : on choisit des pièces, on regarde les prix, c’est-à-dire qu’on sélectionne et on exclut des éléments du système22« Le système est constitué par un répertoire d’unités (les signaux) qui se différencient et s’opposent à travers des exclusions binaires. Étant donné quatre signaux A, B, C, D, nous ne pouvons en reconnaître un que par sa position dans le contexte des autres ainsi que par le fait qu’il s’oppose aux autres (un signal est choisi en excluant les autres ; on ne peut reconnaître AB que s’il existe une combinaison BC qui n’a pas été choisie). » (Ibid.). — « Le repérage du signal se fait à la fois par différenciation avec d’autres signaux et par la reconnaissance de sa place dans une série. »23Ibid., p. 37. En clair, le consommateur consulte son compte et compare les prix.
11. Qu’il s’agisse de vaisselle ou de couture, de collection ou de musée, de monnaie ou de jeu, une pièce est une « Partie d’un tout, considérée comme complète, entière en soi. »24LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française en ligne, V° Pièce, 1. Ainsi la pièce de monnaie est-elle une portion d’une totalité, cet ensemble étant la masse monétaire d’un État, exprimée dans une unité (ou devise pour une unité étrangère) à l’aide d’un symbole monétaire (€ pour euro, $ pour dollar, ¥ pour yen, etc.) qui garantit la pleine concordance entre le signe et la valeur25« La signalétique est un système de signes spécifique qui doit se distinguer de bien d’autres systèmes de signes comme celui de la poétique dont les signes sont polysémiques alors que ceux de la signalétique sont monosémiques. Dans la signalétique, il n’y a pas d’écart possible entre le signe et la convention socioculturelle qui lui sert à la fois de support et de référent. De tous les systèmes de signes, la signalétique sera donc un des plus structurés puisqu’il tend à éliminer les connotations, les représentations, à réduire l’arbitraire de la signification. » (Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », article précité, p. 35)., entre la chose représentée (la valeur) et la chose qui la représente (le signe)26« Le signe est tout ce qui est destiné à représenter une chose. Le signe enferme deux idées, l’une de la chose qui représente, l’autre de la chose représentée ; & sa nature consiste à exciter la seconde par la première. » (ANONYME, « Signe (Métaphysique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 15, p. 188)..
12. La signalétique concerne donc la monnaie comme système mais également comme support, par exemple l’usage du métal27« On prend quelque métal pour que le signe, la mesure, le prix soit durable ; qu’il se consomme peu par l’usage, & que sans se détruire, il soit capable de beaucoup de division. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 644). : « L’argent avec ses autres qualités, étant divisible sans diminuer de sa valeur, étant d’ailleurs portatif, était d’autant plus propre à servir à ces usages. »28Ibid., p. 645. Le support s’entend aussi des formes monétaires : la monnaie fiduciaire (les espèces), la monnaie scripturale (les comptes), la monnaie électronique (les cartes) et la cryptomonnaie (les codes).
— Une signification
13. Mais qu’a-t-on dit du signe monétaire, de la monnaie comme signe? Et d’abord, de quoi la monnaie est-elle le signe ? Prenez un billet de banque dans votre poche ou bien une pièce de monnaie. Où que vous viviez, y figure la marque d’une nationalité29« […] la relation image monétaire / communauté civique apparaît avant tout comme une communication entre une institution sociale et des sujets sociaux, à propos de modèles valorisés dans la conscience collective ; comment l’image de propagande gravée sur la monnaie est à la fois miroir et moteur pour la société dont elle est le produit et que le discours véhiculé par la monnaie, finalement, a une fonction de régulation culturelle. » (Christine PEREZ, « Images monétaires et pratiques sémiologiques », Dialogues d’histoire ancienne, 1985, vol. 11, pp. 110-140, spéc. p. 110). ou d’une entité émettrice30« […] de même qu’une monnaie fait apparaître l’image de son maître. » (Hildegarde DE BINGEN, Les Causes et les Remèdes, 1158, Grenoble, éd. Jérôme Millon [2007], p. 34). (une banque centrale ou une banque nationale) à travers une formule (« In God we trust » sur les dollars américains, « Liberté, égalité, fraternité » sur les pièces que l’autrice a connues petite fille), une illustration (un portrait, un symbole) et une devise (le dinar, la livre).
14. Or ces pièces et billets — et même des lignes de compte sur un ordinateur — jouent comme des symboles : ils ne sont pas des valeurs en tant que telles, mais des signes représentatifs de richesse, comme dit Rousseau31« Avant qu’on eût inventé les signes représentatifs des richesses, elles ne pouvaient guère consister qu’en terres et en bestiaux, les seuls bien réels que les hommes puissent posséder. » (Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755, Dresde, pas d’éditeur, p. 94).. Retrouvez dans une commode de vieux billets qui n’ont plus cours et qui ne sont plus échangeables : vos précieux Francs ne valent plus que le poids de leur papier ou de leur métal, sauf à ce que des collectionneurs daignent vous les racheter — acheter de la monnaie, quelle drôle d’idée ! — non pas au prix de leur valeur faciale mais de leur cote, c’est-à-dire de leur valeur d’échange sur le marché numismatique. Mais c’est déjà anticiper sur la valeur de transaction.
15. Or la signification de la monnaie comme système de signes appelle d’autres remarques. D’abord, parlons des nombres, c’est-à-dire du chiffre qui figure sur la pièce, le billet ou le compte. Prenons les Francs suisses par exemple : mille valent plus que dix, à telle enseigne qu’un billet de mille s’échangera contre cent billets de dix — rien de bien compliqué à comprendre. Et pourtant, souvenez-vous qu’avant d’être frappées, c’est-à-dire enfoncées d’un coin et marquées d’une valeur, les monnaies étaient pesées32« La monnaie frappée figure bel et bien un outil comptable, puisque, au lieu de peser des métaux, on pouvait désormais compter des unités monétaires — et c’est en cela qu’elle se rapproche de l’invention de l’écriture des langues. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, « De la monnaie frappée et du mythe d’Artémis », Techniques & Culture, 2004, n° 43-44, §106). : c’est le poids et la nature du métal (une quantité et une qualité) qui indiquaient la valeur d’échange.
16. Dorénavant, une portion de métal ou une feuille de papier ou même une ligne de compte assorties d’un nombre et d’une devise signifient la valeur monétaire33« Ainsi la monnaie peut être définie une portion de ce métal, à laquelle le prince donne une forme, un nom, & une empreinte, pour certifier du poids & du titre dans l’échange qui s’est pu faire avec toutes les choses que les hommes veulent mettre dans le commerce. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 644).. Principale incursion de la mathématique dans le social34« La Bourse est le lieu de l’équilibre ou du déséquilibre des nombres dans le social. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, Les trois écritures. Langue, nombre, code, 2007, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences humaines, p. 374)., le système monétaire figure un ensemble de nombres qui, reliés entre eux par des rapports de proportion, permettent de donner une valeur à tout, en tout cas à tout ce qui s’échange35« On fait tout avec de l’argent excepté des hommes. » (Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962], p. 29). — ajoutons que des couleurs aident également à distinguer les différents billets donc les diverses valeurs (actuellement, le billet de cinq euros est gris, celui de dix euros est rose ; les vingt euros sont bleus, les cinquante oranges, les cent verts, les deux-cents jaunes et les cinq-cents violets).
2. Une valeur de transaction
17. Finalement, la grande qualité de la monnaie est la réciprocité36« On convint donc de recevoir et de se donner réciproquement, dans les échanges, une chose qui, n’étant pas par elle-même d’une utilité immédiate, était néanmoins susceptible de se prêter facilement aux usages de la vie, comme le fer et l’argent, ou toute autre matière semblable, dont on détermina d’abord simplement le poids et la quantité, et qu’on finit par marquer d’une empreinte, pour s’éviter l’embarras de la peser ou de la mesurer à chaque fois ; car l’empreinte y fut mise comme signe de la quantité. » (ARISTOTE, La Politique, op. cit., Livre I, chap. 3, §13, p. 36). : elle sert de substitut à tout37« Sauvage ou moderne, la monnaie manifeste de longues chaînes de substitut. » (Thierry WENDLING, « Les origines ludiques de la notion de monnaie », Revue du MAUSS, 2015/1, n° 45, pp. 191-213, p. 200)., ou presque. « Équivalent général des échanges »38« L’argent se définissant au sein du système économique comme l’équivalent général des échanges […] » (Baldine SAINT GIRONS, « Argent, sémiologie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 30 avr. 2024)., la monnaie peut en effet se substituer à tout ce qui se trouve sur le marché et même au reste, puisque la loi et la justice admettent que la responsabilité civile d’une personne se solde par le paiement de dommages-intérêts, c’est-à-dire par un transfert d’argent. Un rapide coup d’œil aux deux titres noyés de ce paragraphe montre que la valeur de transaction sera envisagée sous l’angle de l’évaluation puis de la valorisation, la première traitant de la monnaie comme instrument de mesure (une référence), la seconde comme valeur intrinsèque (un actif).
— Une évaluation
18. Avant d’être frappée a-t-on dit, la monnaie était pesée ; par la suite, la frappe (d’une pièce) attestait d’un certain poids et par conséquent d’une certaine valeur, la valeur faciale — par où le signe est progressivement devenu valeur (un actif) indépendamment de la valeur réelle du support (sa qualité) : intrinsèquement un billet de cent euros (le papier imprimé, texturé, filigrané et métallisé) vaut bien moins que vingt billets de cinq euros (vingt feuilles de papier de même espèce). Ce sont donc diverses sortes de valeurs que l’on doit prendre en compte lorsque l’on traite de monnaie…
19. Envisagée ailleurs du point de vue du mérite, la valeur est la qualité intrinsèque d’une chose39« De deux choses celle qui est d’une plus grande valeur, vaut mieux, & celle qui est d’un plus grand prix, vaut plus. » (JAUCOURT, « Valeur, prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 16, p. 818)., laquelle qualité s’apprécie selon le domaine ou la situation : la force, la noblesse, l’estime, la dignité, la vertu, la finesse, le potentiel, la capacité, le prix, la grandeur, l’ardeur, l’utilité, la productivité. Mais l’évaluation étant une estimation40« Cette écriture de nombres et de rapports numériques a comme vecteurs des pièces qui, par leur poids, matérialisent un nombre, lequel entre dans des relations numériques. Si le globule représentait un œil, si l’écriture monétaire spécifique consista en une écriture arithmo-géométrique des nombres et des rapports qu’ils entretiennent, alors la faculté externalisée par l’objet monétaire serait la vue en sa fonction d’organe d’estimation : la vue sous son aspect économique d’appréciation de la plus ou moins grande préciosité visible d’un bien. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, « De la monnaie frappée et du mythe d’Artémis », Techniques & Culture, 2004, n° 43-44, §38). — un examen (une analyse) puis un jugement (une note) —, la valeur agit aussi comme une mesure, et révèle donc une quantité. Comparons avec d’autres types de mesures — unité de masse (le gramme), unité de longueur (le mètre), unité de temps (la minute), unité de superficie (l’are) — pour déterminer que la monnaie est une unité économique ou financière — mais l’autrice est gênée aux entournures…
20. Car que mesure, au juste, la monnaie ? Et que signifie mesurer ? En fait de monnaie, mesurer signifie compter (dénombrer, recenser, procéder au décompte), voire comptabiliser (inscrire dans un compte), opérations qui permettent d’assurer toutes les fonctions de la monnaie, dont la sécurité des transactions41« Le lien entre l’éthique et la monnaie ne concerne donc pas l’invention de cette dernière, mais viendrait de ce que, dans les cités grecques, la monnaie passât comme une mesure légale propre à mesurer les rapports entre les biens et les personnes, et à assurer la justice des échanges. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, Les trois écritures. Langue, nombre, code, 2007, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences humaines, p. 297).. Classiquement, ces trois fonctions sont celles de l’unité de compte (la monnaie permet de déterminer la valeur marchande d’un bien ou d’un ensemble d’actifs), d’un moyen d’échange (dans toute transaction marchande, la monnaie est un substitut universel) et d’une réserve de valeur (l’accumulation de monnaie opère thésaurisation42« Oh ! la vilaine et sotte étude que d’étudier son argent, de se plaire à le manier, à le peser et à le recompter ! C’est par cette voie que l’avarice fait ses approches. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre III, chap. 9, p. 1153)., c’est-à-dire stockage de valeur), cette dernière fonction (faire des économies et les garder) devant être envisagée prochainement.
21. Pour comptabiliser, il faut d’abord évaluer. Or depuis Aristote au moins, on sait que la monnaie n’est qu’une convention humaine43« Il doit donc y avoir pour tout, comme on vient de le dire, une commune mesure ; et, dans le vrai, c’est le besoin qui est le lien commun de la société : car, si les hommes n’avaient aucuns besoins, ou s’ils n’avaient pas tous des besoins semblables, il n’y aurait point d’échange, ou, du moins, il ne se ferait pas de la même manière. Par l’effet des conventions, la monnaie a été, pour ainsi dire, substituée à ce besoin ; et voilà pourquoi on lui a donné le nom de νόμισμα [nómisma, coutume et monnaie], parce qu’elle doit son existence à la loi (νόμῳ), et non pas à la nature, et qu’il dépend de nous de la changer, et de lui ôter son utilité. » (ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, IVe s. av. J.-C., Paris, éd. Didot [1823], Livre V, chap. 5, trad. Jean-François Thurot, p. 216). — une convention qui repose sur le même genre de fiction qu’inventent les enfants44« D’un autre côté, l’on regarde quelquefois la monnaie, et en général les lois qui l’établissent, comme une chose tout à fait illusoire, et sans aucun fondement dans la nature ; parce que, si ceux qui en font usage venaient à faire d’autres conventions, la monnaie n’aurait plus aucune valeur, et ne pourrait plus servir à la satisfaction d’aucun besoin : en sorte qu’un homme très riche en métaux monnayés pourrait manquer des aliments nécessaires à la vie. » (ARISTOTE, La Politique, op. cit., Livre I, chap. 3, §13, p. 37). : on dirait que cet objet (pièce), ce papier (billet) ou cette écriture (compte) vaut réellement la valeur qu’elle affiche (la valeur faciale ou nominale). Bien sûr, ces conventions s’étendent à la fixation des prix des marchandises (vente de biens) et à celle des taux de change (conversion des devises). Par sa seule existence, le prix fait basculer l’opération de transfert dans la sphère marchande, laquelle exclut la gratuité45« PRIX, s. m. (Droit nat. & civil.) quantité morale ou mesure commune, à la faveur de laquelle on peut comparer ensemble, & réduire à une juste égalité, non-seulement les choses extérieures, mais encore les actions qui entrent en commerce, & que l’on ne veut pas faire gratuitement pour autrui. » (JAUCOURT, « Prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 13, p. 391). — c’est le prix qui différencie la vente du don46« Il semble que le mot de prix suppose quelque rapport à l’achat ou à la vente : ce qui ne se trouve pas dans le mot de valeur. Ainsi l’on dit que ce n’est pas être connaisseur que de ne juger de la valeur des choses que par le prix qu’elles coûtent. » (JAUCOURT, « Valeur, prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 16, p. 818). et même, en principe du moins, le bail du prêt : le prêt est gratuit (prêt d’ami) sauf si les parties en disposent autrement (prêt à intérêts).
22. L’usage de la monnaie permet donc de fixer un prix pour chaque bien47« Le mérite des choses en elles-mêmes en fait la valeur, & l’estimation en fait le prix. » (JAUCOURT, « Valeur, prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 16, p. 818). (une chose appropriable) et ainsi de faire surgir ou prospérer un marché (un lieu d’échange de ces biens), le prix étant fixé en fonction de l’utilité48« Un bien ne possède donc de valeur d’échange que s’il est à la fois utile et rare. » (Nathalie BERTA, « Valeur, économie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1er mai 2024). et de la rareté49« Si les vins sont en grande quantité, ou que la demande pour les vins diminue, le prix baisse. Si les vins sont rares, ou que la demande augmente, le prix hausse. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 645). du service ou du bien, également selon sa qualité intrinsèque (son raffinement), fixation du prix qui intervient soit par la loi soit par le marché50« Mais dans une société civile le prix des choses se règle de deux manières, ou par l’ordonnance du magistrat & par les lois, ou par l’estimation commune des particuliers, accompagné du consentement des contractants. » (JAUCOURT, « Prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 13, p. 392).. Évidemment, des ententes illicites (ou autres manœuvres déloyales) peuvent fausser le prix — à la hausse comme à la baisse (pour couler un concurrent) —, sans compter qu’un prix proposé peut toujours être excessif (ce que Jaucourt déplore à juste titre51« Il est donc libre à chacun dans l’état de nature de vendre ou d’acheter sur le pié [pied, c’est-à-dire au prix] qu’il lui plaît, à moins cependant qu’il ne s’agisse de choses absolument nécessaires à la vie, dont on a abondance, & dont quelqu’autre qui en a grand besoin ne peut se pourvoir ailleurs ; car alors il y aurait de l’inhumanité à se prévaloir de son indigence, pour exiger de lui un prix excessif d’une chose essentielle à ses besoins. » (JAUCOURT, « Prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 13, p. 392).) et la marchandise trouver preneur malgré son coût prohibitif.
— Une valorisation
23. Hors du commerce classique (l’échange des biens et services contre le paiement d’un prix), il est donc possible de faire son beurre — « s’enrichir par tous les moyens »52Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Beurre, 2, Expression figurée. — et ce, d’autant plus qu’on admet (ce qui est admis) que la monnaie est une marchandise comme les autres (ce qu’elle n’est pas) : seule la monnaie sait se reproduire hors de toute production ou augmentation réelle de richesse. Ainsi en est-il de la spéculation, laquelle ne mise que sur la plus-value de cession (faire un bénéfice en revendant un bien ou une créance plus chers qu’on ne les a achetés).
24. Une valorisation, a dit l’autrice : si l’évaluation consiste à donner une valeur, à la fixer, à la déterminer, la valorisation s’entend de l’augmentation de la valeur d’un bien, d’un service ou d’une créance, voire à leur mise en valeur — ainsi valorise-t-on un territoire ou un bâtiment. Or les modes de valorisation de la monnaie sont divers… D’abord la dépense53« Mais délier la bourse est une grande douleur en Berry, et, quand on a donné dix sous, on soupire longtemps. » (George SAND, Lettre à Édouard Rodrigues, le 12 janv. 1864, à Nohant, dans Correspondance. 1812-1876, Tome 5, 1883/1884, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 9). : c’est par l’usage que la monnaie prend sa valeur54« Si j’amasse, ce n’est qu’avec l’espérance de quelque emploi prochain, non pour acheter des terres — dont je n’ai que faire —, mais pour acheter du plaisir. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre I, chap. 14, p. 82)., c’est-à-dire par l’échange55« Les effets reçoivent leur valeur des usages auxquels ils sont employés. S’ils étaient incapables d’aucun usage, ils ne seraient d’aucune valeur. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 645)., autrement dit le commerce — la thésaurisation elle-même n’a de sens que parce qu’elle permettra de dépenser son argent plus tard56« Le Français, les étrangers en font souvent la remarque, est intéressé : il sait que l’argent est difficile à gagner, qu’une fois gagné il demande à être gardé et que par conséquent il doit être surveillé. C’est la tradition paysanne. » (André SIEGFRIED, L’âme des peuples, 1950, Paris, éd. Hachette, pp. 56-57)., quand on en aura le plus besoin.
25. Si l’on ne pouvait échanger son argent contre des biens ou des services (imaginez un monde parfaitement gratuit, sans boutiques ni travailleurs), on cesserait de courir après les liquidités et la possession de monnaie ne donnerait plus ni puissance ni prestige57« Jamais on n’a tant parlé de la lutte contre les puissances d’argent et jamais l’argent n’a joui, dans le monde, d’une telle considération. » (Georges RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, 2e éd., 1946, Paris, éd. LGDJ [1951], p. 346).. Songez en effet qu’en période de pénurie ou d’inflation, la monnaie ne sert plus à rien (il n’y a rien à acheter) ou elle perd de sa valeur (elle se déprécie par le seul effet du passage du temps). Ainsi les richesses et fortunes sont-elles relatives : elles dépendent de ce que les autres possèdent eux-mêmes (on n’est riche que par rapport à d’autres, plus pauvres) ; elles dépendent aussi de ce que d’autres sont prêts à offrir (biens ou services) en contrepartie des espèces sonnantes et trébuchantes qu’on leur promet.
26. Cette valorisation monétaire par la dépense fait de l’argent un moyen58« Bref, l’Argent, le pouvoir de l’Argent. Mais plus nous en manquions, plus elle le traitait avec le mélange de désinvolture et d’agacement que l’on réserve aux casseroles dont le manche tourne ou aux ciseaux ébréchés. Un outil qui vous fait défaut au mauvais moment. Rien de plus. » (Françoise GIROUD, Ce que je crois, 1978, Paris, éd. Grasset, pp. 84-85). — et non une fin en soi59« L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître. » (Citation attribuée à Francis Bacon). — d’accéder à ce dont on a besoin60« Le dédain de l’argent est fréquent surtout chez ceux qui n’en ont pas. Disons les choses comme elles sont : il est agréable d’en avoir, pour les commodités qu’il procure, d’abord, et plus encore pour l’impression de sécurité qu’il dégage et qui tranquillise. / Et je crois bien que l’inexplicable Avarice rencontre son explication dans le développement poussé à l’excès de ce sentiment de bien-être. » (Georges COURTELINE, La philosophie de Georges Courteline, 1917, Paris, éd. Flammarion [1922], p. 36).. Au plan du droit, on considère que l’utilisation de la monnaie opère sa consommation (quand on dépense son argent, on n’en a plus61« Schmucke, dont les économies étaient administrées par la distraction, Pons, prodigue par passion, arrivaient l’un et l’autre au même résultat : zéro dans la bourse à la Saint-Sylvestre de chaque année. » (BALZAC, Le Cousin Pons, Tome 1, 1847, Bruxelles, éd. Lebègue & Sacré, p. 27).) : juridiquement, la monnaie s’analyse comme un bien fongible62« Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre. » (Code civil, article 1347-1, alinéa 2). (interchangeable), un bien consomptible (éphémère) et une créance cessible (transmissible). Or ces catégories ne sont pas satisfaisantes : la cession de la créance (donner un billet) emporte consommation mais non disparition du bien puisque le billet n’est pas détruit — la consommation est purement juridique, c’est-à-dire abstraite, et non matérielle, c’est-à-dire concrète.
27. La théorie juridique bute sur la double essence (actuelle en tout cas) de la monnaie, entre nature matérielle63« La monnaie frappée, pesée, matérialisant un nombre, marquée de figures qui disent les rapports entre les nombres, externalisa la fonction de l’estimation des biens par la vue, en même temps qu’elle servit de moyen de calcul (les pièces pesées et marquées ne nécessitaient plus que l’on pesât le métal précieux — on put compter des pièces plutôt que de manipuler des poids) et d’intermédiaire dans des transactions, c’est-à-dire de moyen terme numérique entre des biens de natures différentes, une maison et des chaussures selon les exemples d’Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, « De la monnaie frappée et du mythe d’Artémis », Techniques & Culture, 2004, n° 43-44, §39). (billets, pièces, or) et nature conceptuelle64« La monnaie, étant donc comme une mesure, qui établit un rapport appréciable entre les choses, les rend égales : car il n’y aurait point de société sans échange ; point d’échange, sans égalité ; point d’égalité, sans une commune mesure. À la vérité, il est impossible de rendre commensurables des objets si entièrement différents ; mais on y réussit assez exactement pour le besoin. Il faut donc qu’il existe par supposition ou convention. Voilà pourquoi on donne [en grec] à la monnaie le nom de νόμισμα [de νόμος, usage, convention] ; c’est elle qui rend tous les objets commensurables, puisque tous peuvent être évalués en monnaie. » (ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, op. cit., Livre V, chap. 5, p. 218). (créance, dette, compte). Au demeurant, il y a belle lurette que la monnaie n’est plus qu’une abstraction, au moins depuis 1971 (année de la fin de la convertibilité entre le dollar et l’or, soit l’abandon de l’étalon-or65Raison pour laquelle Clarisse Herrenschmidt verra dans Ronald Reagan, le président américain de l’époque, un « réformateur sémiologique » qui s’ignore… L’autrice n’a pu retrouver la référence exacte, son exemplaire du livre Les trois écritures se trouvant présentement dans un carton.). Les pièces et billets ne sont conservés que pour apprendre le fonctionnement de la monnaie aux enfants (et faciliter la vie des honnêtes gens) : dans l’histoire humaine, elle se révèlera comme un archaïsme, à l’instar des hiérarchies — ces dernières attribuant les prérogatives, quand la première répartit les richesses.
28. Mais la monnaie se valorise (ou est valorisée) par d’autres usages : notamment, le prêt, l’investissement, la spéculation, l’assurance — usages dont l’autrice fera grâce à sa lectrice, qui retiendra simplement que l’argent s’échange contre de l’argent (saupoudré de temps et de risque), qu’ainsi l’argent va à l’argent66« L’argent est comme la foule qui s’entasse dans le café où il y a foule et déserte le café d’en face, non parce qu’on y est mal servi, mais parce qu’il y est vide. » (Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962], p. 32). — quand il ne mène pas à la ruine.
Conclusion
29. Une valeur unique (la monnaie) permet de comptabiliser des choses hétérogènes, de comparer des choses incomparables67« Voilà pourquoi toutes les choses échangeables doivent, jusqu’à un certain point, pouvoir être comparées entre elles ; et c’est ce qui a donné lieu à l’établissement de la monnaie, qui est comme une mesure commune, puisqu’elle sert à tout évaluer, et, par conséquent, le défaut aussi bien que l’excès : par exemple, quelle quantité de chaussures peut être égale à la valeur d’une maison, ou d’une quantité donnée d’aliments. Il faut donc qu’il y ait entre l’architecte [ou le laboureur] et le cordonnier [ou plutôt entre les profits de l’un et des autres], le même rapport qu’il y a entre une maison, ou une quantité d’aliments, et une quantité déterminée de chaussures ; car, sans cela, il n’y aura ni commerce ni échange ; et cela ne saurait se faire, si l’on n’établit pas, jusqu’à un certain point, l’égalité [entre les produits]. » (ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, op. cit., Livre V, chap. 5, pp. 215-216). et, devrait-on dire, sans commune mesure68« La valeur est cette substance commune qui rend commensurables des biens physiquement et qualitativement hétérogènes. » (Nathalie BERTA, « Valeur, économie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1er mai 2024). : la monnaie est la commune mesure des choses (biens et services) qui se trouvent dans le commerce, puisque même le troc s’établit aujourd’hui en fonction de la valeur numéraire des biens échangés (éventuellement avec paiement d’une soulte compensant la différence de valeur entre les deux biens). Système de signes symbolisant des valeurs de transaction, la monnaie n’est pourtant pas une mesure comme les autres.
30. Car elle estime des objets de transaction qui, par hypothèse, sont en quantité limitée, quand le temps, l’espace ou la masse sont en quelque sorte illimités — mais après tout, ni l’espace ni le temps ne sont infinis : la fin du monde signera la fin des temps. C’est que la mesure du temps (ou de l’espace) n’a pas de conséquence concrète, directe sur le monde : peser vingt fois un objet (et noter son poids à chaque fois) n’est pas l’acheter (donc le payer) vingt fois… Mais n’est-ce pas confondre la mesure avec l’échange, c’est-à-dire le traitement réservé à l’objet ? On peut estimer le prix d’une chose vingt fois et noter vingt fois ce prix sur un morceau de papier sans débourser un centime. Mesurer un objet est indolore pour son propriétaire, tandis que le vendre aboutit à l’en déposséder — contre une compensation, il est vrai.
31. Ainsi donc, si la monnaie est en quelque sorte le « support de la pensée calculante »69Clarisse HERRENSCHMIDT, « À propos du livre d’Alain Testart (éd.), Aux Origines de la Monnaie », Techniques & Culture, n° 42, juill.-déc. 2003, pp. 165-174, spéc. §24., en tout cas dans le domaine économique (l’estimation de la valeur globale d’un stock par exemple), et si la quintessence de la monnaie n’est pas tant la créance (un lien d’obligation entre deux personnes, lien envisagé activement par opposition à la dette qui la représente passivement), si — disait l’autrice — la quintessence de la monnaie n’est pas tant la créance que le compte (un contrat de compensation, généralement passé auprès d’une banque, ou même d’un bistrot, c’est-à-dire une convention de confusion d’opérations échelonnées dans le temps, convention qui fait ressortir un solde, débiteur ou créditeur, en plus de constituer une opération de crédit jusqu’au paiement dudit solde), alors la monnaie comme fraction de la masse monétaire mondiale détenue par une personne ou un organisme — que sa possession soit matérielle (billets) ou fictive (comptes) — donne la mesure du pouvoir d’accaparement virtuellement exercé (ou pratiquement exerçable) sur le monde réel.
32. Or la masse monétaire — la valeur totale du système de signes symbolisant les valeurs de transaction — dépassant de très loin la quantité des marchandises (et services) disponibles sur la terre, si le créateur (ou le Fonds monétaire international) venait à décréter l’exigibilité immédiate de toutes les créances, les jeux de compensation opèreraient instantanément destruction de l’essentiel de la monnaie aujourd’hui existante (et provoquerait probablement une inflation sans précédent). En clair, la mesure (la masse monétaire) dépasse de loin l’objet mesuré (la somme des services et marchandises disponibles).
33. C’est donc le temps — et le risque, fruit du temps par le mécanisme du crédit, en l’occurrence le décalage entre la remise des fonds et leur remboursement, donc le risque qui naît de ce décalage — qui fit artificiellement gonfler la masse monétaire, l’histoire et la folie des hommes bien sûr : les banquiers, les investisseurs et financiers, mais aussi les États ! Dès lors, seule une convention internationale pourrait remettre en ordre cette gigantesque salle de jeu qu’est devenue la finance mondiale et, avant cela, une prise de conscience du caractère proprement archaïque de l’usage de la monnaie comme mode de répartition des richesses. C’est inimaginable aujourd’hui, l’autrice le sait pertinemment. Elle gage pourtant — les choses allant désormais à grand train — que le millénaire ne s’achèvera pas sans qu’une profonde refonte du système monétaire ait eu lieu, si ce n’est l’abrogation pure et simple de la monnaie, alors empilée et remisée dans les musées comme de vulgaires jetons de casino.
Références
— Usuels
- Code civil, articles 1343-3 & 1347-1, alinéa 2.
- Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Beurre, Signalétique, Signalisation, Signe.
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— Ouvrages
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- ARISTOTE, La Politique, IVe s. av. J.-C., Paris, éd. Didot [1824], Livre I, chap. 3, §13, trad. Jean-François Thurot.
- SAINT AUGUSTIN, Les Confessions, 397-401 ap. J.-C., dans Œuvres complètes, Tome 1, 1864, Bar-le-Duc, éd. Guérin, trad. Poujoulat & Raulx, Livre XI, chap. 14.
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- BALZAC, Melmoth réconcilié, 1835, dans Œuvres complètes de H. de Balzac, Tome 14, 1855, Paris, éd. Houssiaux.
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- JJean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755, Dresde, pas d’éditeur.
- Ferdinand DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, 1916 [posthume], Lausanne, éd. Payot.
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— Articles
- Valérie DEBRUT, « Inventer le livre numérique », écrire la règle du jeu [en ligne], 24 avr. 2019.
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- Christine PEREZ, « Images monétaires et pratiques sémiologiques », Dialogues d’histoire ancienne, 1985, vol. 11, pp. 110-140.
- Edwige SOSSOU-GERVAIS, « Petite souris des dents de lait : d’où vient la tradition ? », Passeport Santé [en ligne], 20 janv. 2022.
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- Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », Communication et langages, 1977, n° 36, pp. 32-43.
- Thierry WENDLING, « Les origines ludiques de la notion de monnaie », Revue du MAUSS, 2015/1, n° 45, pp. 191-213.
Illustrations
- Pièce de 20 francs, empereur Napoléon, an 13 (1804/1805), Rijksmuseum, Amsterdam.
- Décadrachme d’Athènes, 465 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Drachme de Ténédos, 450/387 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Statère de Locres, 369/338 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Tétradrachme d’Amphipolis, 357/356 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Statère de l’amphictyonie de Delphes, 338/333 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Statère de Locres Épizéphyre, 332/268 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Tétradrachme d’Alexandre III, 322/320 av. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- Pièce en cuivre d’Amisus (actuelle Samsun), 85/86 ap. J.-C., Musée numismatique d’Athènes.
- 1« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. » (SAINT AUGUSTIN, Les Confessions, 397-401 ap. J.-C., dans Œuvres complètes, Tome 1, 1864, Bar-le-Duc, éd. Guérin, trad. Poujoulat & Raulx, Livre XI, chap. 14, p. 479.
- 2« En France et dans la plupart des pays francophones, les enfants connaissent la petite souris qui vient pour les dents de lait. En effet, lorsque l’enfant perd une dent de lait, la tradition veut que la petite souris la récupère et la remplace par une pièce. […] L’origine de cette croyance viendrait d’un conte français, « La Bonne Petite Souris », écrit par la baronne d’Aulnay au XVIIe siècle, sous le règne du roi Louis XIV. L’histoire raconte qu’une fée se transforme en petite souris pour aider une reine à se défendre contre un méchant roi. La souris se cache sous l’oreiller de ce dernier, et lui fait tomber toutes ses dents. » (Edwige SOSSOU-GERVAIS, « Petite souris des dents de lait : d’où vient la tradition ? », Passeport Santé [en ligne], 20 janv. 2022).
- 3« […] depuis au moins 100 000 ans, tout être humain ordinaire ayant atteint l’âge de raison dispose d’une capacité cognitive à placer de la valeur dans des signes (ici les billes) et d’une capacité sociale à évaluer la confiance qu’il peut accorder aux personnes (ainsi qu’aux signes émis par les personnes ou les institutions, ce qui permet au passage de mieux comprendre le succès qu’ont eu les monnaies métalliques qui doublent la confiance en l’État par celle en la relative valeur d’usage ou d’échange de l’or et de l’argent). » (Thierry WENDLING, « Les origines ludiques de la notion de monnaie », Revue du MAUSS, 2015/1, n° 45, pp. 191-213, spéc. p. 203).
- 4« Ce mot : « Un prêtre ! » fut entendu par plusieurs personnes, et fit naître un brouhaha goguenard que poussèrent les boursiers, tous gens qui réservent leur foi pour croire qu’un chiffon de papier, nommé une inscription, vaut un domaine. Le Grand-livre est leur Bible. » (BALZAC, Melmoth réconcilié, 1835, dans Œuvres complètes de H. de Balzac, Tome 14, 1855, Paris, éd. Houssiaux, p. 279).
- 5Valérie DEBRUT, « Inventer le livre numérique », écrire la règle du jeu [en ligne], 24 avr. 2019, §1-2.
- 6« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. » (Code civil, article 1343-3).
- 7« Le prince est obligé en justice & en honneur, envers ses sujets & les étrangers qui trafiquent avec eux, de ne point faire de changement dans la monnaie. » (JAUCOURT, « Monnoie », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome 10, 1751/1772, Paris, éd. Le Breton, Durand, Briasson & David, p. 645).
- 8« Dans les États qui font le commerce d’économie, on a heureusement établi des banques, qui par leur crédit ont formé de nouveaux signes des valeurs. » (MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Tome 2, 1748, Genève, éd. Barrillot, Livre XX, chap. 9, p. 10).
- 9« Il [Allah] a élevé le ciel. / Il a établi la balance : / ne fraudez pas sur le poids ; / évaluez la pesée avec exactitude ; / ne faussez pas la balance. » (Le Coran, VIIe s., Paris, éd. Gallimard [1967], coll. Bibliothèque de la Pléiade, trad. Denise Masson, Sourate 55, versets 7-9, p. 663).
- 10« […] à mesure que l’on se procura des ressources plus étendues, et des objets plus rares, par l’importation de ce dont on manquait, et par l’exportation de ce qu’on possédait en plus grande abondance, l’usage de la monnaie dut nécessairement s’introduire ; parce que les objets dont la nature nous fait un besoin ne sont pas toujours faciles à transporter. » (ARISTOTE, La Politique, IVe s. av. J.-C., Paris, éd. Didot [1824], Livre I, chap. 3, §13, trad. Jean-François Thurot, pp. 35-36).
- 11JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 644.
- 12« On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale ; nous la nommerons sémiologie (du grec sēmeîon, « signe »). Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. » (Ferdinand DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, 1916 [posthume], Lausanne, éd. Payot, p. 33).
- 13« On appelle de ce nom tout effet apparent, par le moyen duquel on parvient à la connaissance d’un effet plus caché, dérobé au témoignage des sens. Ainsi le phénomène ou symptôme, peut devenir un signe lorsqu’on cesse de le considérer abstractivement, & qu’on s’en sert comme d’un flambeau pour percer dans l’intérieur obscur de l’homme sain ou malade. » (Jean-Joseph MENURET DE CHAMBAUD, « Signe (Médecine) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 15, p. 188).
- 14Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Signe, 2.
- 15Ibid., 1.
- 16Ibid., V° Signalétique, 2.
- 17Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », Communication et langages, 1977, n° 36, pp. 32-43, spéc. p. 33.
- 18Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Signalisation, 1.
- 19Ibid., 1, Spécialement.
- 20Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », article précité, p. 36.
- 21« Le système, structuré par oppositions binaires, fonctionne également par des opérations de sélection qui supposent un jeu de « mise en relation » des signaux avec d’autres signaux déjà existants, dans le système lui-même ou hors du système. » (Ibid., p. 42).
- 22« Le système est constitué par un répertoire d’unités (les signaux) qui se différencient et s’opposent à travers des exclusions binaires. Étant donné quatre signaux A, B, C, D, nous ne pouvons en reconnaître un que par sa position dans le contexte des autres ainsi que par le fait qu’il s’oppose aux autres (un signal est choisi en excluant les autres ; on ne peut reconnaître AB que s’il existe une combinaison BC qui n’a pas été choisie). » (Ibid.).
- 23Ibid., p. 37.
- 24LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française en ligne, V° Pièce, 1.
- 25« La signalétique est un système de signes spécifique qui doit se distinguer de bien d’autres systèmes de signes comme celui de la poétique dont les signes sont polysémiques alors que ceux de la signalétique sont monosémiques. Dans la signalétique, il n’y a pas d’écart possible entre le signe et la convention socioculturelle qui lui sert à la fois de support et de référent. De tous les systèmes de signes, la signalétique sera donc un des plus structurés puisqu’il tend à éliminer les connotations, les représentations, à réduire l’arbitraire de la signification. » (Roger TALION & Henri-Pierre JEUDY, « Signalisation, signalétique, la différence ? », article précité, p. 35).
- 26« Le signe est tout ce qui est destiné à représenter une chose. Le signe enferme deux idées, l’une de la chose qui représente, l’autre de la chose représentée ; & sa nature consiste à exciter la seconde par la première. » (ANONYME, « Signe (Métaphysique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 15, p. 188).
- 27« On prend quelque métal pour que le signe, la mesure, le prix soit durable ; qu’il se consomme peu par l’usage, & que sans se détruire, il soit capable de beaucoup de division. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 644).
- 28Ibid., p. 645.
- 29« […] la relation image monétaire / communauté civique apparaît avant tout comme une communication entre une institution sociale et des sujets sociaux, à propos de modèles valorisés dans la conscience collective ; comment l’image de propagande gravée sur la monnaie est à la fois miroir et moteur pour la société dont elle est le produit et que le discours véhiculé par la monnaie, finalement, a une fonction de régulation culturelle. » (Christine PEREZ, « Images monétaires et pratiques sémiologiques », Dialogues d’histoire ancienne, 1985, vol. 11, pp. 110-140, spéc. p. 110).
- 30« […] de même qu’une monnaie fait apparaître l’image de son maître. » (Hildegarde DE BINGEN, Les Causes et les Remèdes, 1158, Grenoble, éd. Jérôme Millon [2007], p. 34).
- 31« Avant qu’on eût inventé les signes représentatifs des richesses, elles ne pouvaient guère consister qu’en terres et en bestiaux, les seuls bien réels que les hommes puissent posséder. » (Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755, Dresde, pas d’éditeur, p. 94).
- 32« La monnaie frappée figure bel et bien un outil comptable, puisque, au lieu de peser des métaux, on pouvait désormais compter des unités monétaires — et c’est en cela qu’elle se rapproche de l’invention de l’écriture des langues. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, « De la monnaie frappée et du mythe d’Artémis », Techniques & Culture, 2004, n° 43-44, §106).
- 33« Ainsi la monnaie peut être définie une portion de ce métal, à laquelle le prince donne une forme, un nom, & une empreinte, pour certifier du poids & du titre dans l’échange qui s’est pu faire avec toutes les choses que les hommes veulent mettre dans le commerce. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 644).
- 34« La Bourse est le lieu de l’équilibre ou du déséquilibre des nombres dans le social. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, Les trois écritures. Langue, nombre, code, 2007, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences humaines, p. 374).
- 35« On fait tout avec de l’argent excepté des hommes. » (Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962], p. 29).
- 36« On convint donc de recevoir et de se donner réciproquement, dans les échanges, une chose qui, n’étant pas par elle-même d’une utilité immédiate, était néanmoins susceptible de se prêter facilement aux usages de la vie, comme le fer et l’argent, ou toute autre matière semblable, dont on détermina d’abord simplement le poids et la quantité, et qu’on finit par marquer d’une empreinte, pour s’éviter l’embarras de la peser ou de la mesurer à chaque fois ; car l’empreinte y fut mise comme signe de la quantité. » (ARISTOTE, La Politique, op. cit., Livre I, chap. 3, §13, p. 36).
- 37« Sauvage ou moderne, la monnaie manifeste de longues chaînes de substitut. » (Thierry WENDLING, « Les origines ludiques de la notion de monnaie », Revue du MAUSS, 2015/1, n° 45, pp. 191-213, p. 200).
- 38« L’argent se définissant au sein du système économique comme l’équivalent général des échanges […] » (Baldine SAINT GIRONS, « Argent, sémiologie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 30 avr. 2024).
- 39« De deux choses celle qui est d’une plus grande valeur, vaut mieux, & celle qui est d’un plus grand prix, vaut plus. » (JAUCOURT, « Valeur, prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 16, p. 818).
- 40« Cette écriture de nombres et de rapports numériques a comme vecteurs des pièces qui, par leur poids, matérialisent un nombre, lequel entre dans des relations numériques. Si le globule représentait un œil, si l’écriture monétaire spécifique consista en une écriture arithmo-géométrique des nombres et des rapports qu’ils entretiennent, alors la faculté externalisée par l’objet monétaire serait la vue en sa fonction d’organe d’estimation : la vue sous son aspect économique d’appréciation de la plus ou moins grande préciosité visible d’un bien. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, « De la monnaie frappée et du mythe d’Artémis », Techniques & Culture, 2004, n° 43-44, §38).
- 41« Le lien entre l’éthique et la monnaie ne concerne donc pas l’invention de cette dernière, mais viendrait de ce que, dans les cités grecques, la monnaie passât comme une mesure légale propre à mesurer les rapports entre les biens et les personnes, et à assurer la justice des échanges. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, Les trois écritures. Langue, nombre, code, 2007, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences humaines, p. 297).
- 42« Oh ! la vilaine et sotte étude que d’étudier son argent, de se plaire à le manier, à le peser et à le recompter ! C’est par cette voie que l’avarice fait ses approches. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre III, chap. 9, p. 1153).
- 43« Il doit donc y avoir pour tout, comme on vient de le dire, une commune mesure ; et, dans le vrai, c’est le besoin qui est le lien commun de la société : car, si les hommes n’avaient aucuns besoins, ou s’ils n’avaient pas tous des besoins semblables, il n’y aurait point d’échange, ou, du moins, il ne se ferait pas de la même manière. Par l’effet des conventions, la monnaie a été, pour ainsi dire, substituée à ce besoin ; et voilà pourquoi on lui a donné le nom de νόμισμα [nómisma, coutume et monnaie], parce qu’elle doit son existence à la loi (νόμῳ), et non pas à la nature, et qu’il dépend de nous de la changer, et de lui ôter son utilité. » (ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, IVe s. av. J.-C., Paris, éd. Didot [1823], Livre V, chap. 5, trad. Jean-François Thurot, p. 216).
- 44« D’un autre côté, l’on regarde quelquefois la monnaie, et en général les lois qui l’établissent, comme une chose tout à fait illusoire, et sans aucun fondement dans la nature ; parce que, si ceux qui en font usage venaient à faire d’autres conventions, la monnaie n’aurait plus aucune valeur, et ne pourrait plus servir à la satisfaction d’aucun besoin : en sorte qu’un homme très riche en métaux monnayés pourrait manquer des aliments nécessaires à la vie. » (ARISTOTE, La Politique, op. cit., Livre I, chap. 3, §13, p. 37).
- 45« PRIX, s. m. (Droit nat. & civil.) quantité morale ou mesure commune, à la faveur de laquelle on peut comparer ensemble, & réduire à une juste égalité, non-seulement les choses extérieures, mais encore les actions qui entrent en commerce, & que l’on ne veut pas faire gratuitement pour autrui. » (JAUCOURT, « Prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 13, p. 391).
- 46« Il semble que le mot de prix suppose quelque rapport à l’achat ou à la vente : ce qui ne se trouve pas dans le mot de valeur. Ainsi l’on dit que ce n’est pas être connaisseur que de ne juger de la valeur des choses que par le prix qu’elles coûtent. » (JAUCOURT, « Valeur, prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 16, p. 818).
- 47« Le mérite des choses en elles-mêmes en fait la valeur, & l’estimation en fait le prix. » (JAUCOURT, « Valeur, prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 16, p. 818).
- 48« Un bien ne possède donc de valeur d’échange que s’il est à la fois utile et rare. » (Nathalie BERTA, « Valeur, économie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1er mai 2024).
- 49« Si les vins sont en grande quantité, ou que la demande pour les vins diminue, le prix baisse. Si les vins sont rares, ou que la demande augmente, le prix hausse. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 645).
- 50« Mais dans une société civile le prix des choses se règle de deux manières, ou par l’ordonnance du magistrat & par les lois, ou par l’estimation commune des particuliers, accompagné du consentement des contractants. » (JAUCOURT, « Prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 13, p. 392).
- 51« Il est donc libre à chacun dans l’état de nature de vendre ou d’acheter sur le pié [pied, c’est-à-dire au prix] qu’il lui plaît, à moins cependant qu’il ne s’agisse de choses absolument nécessaires à la vie, dont on a abondance, & dont quelqu’autre qui en a grand besoin ne peut se pourvoir ailleurs ; car alors il y aurait de l’inhumanité à se prévaloir de son indigence, pour exiger de lui un prix excessif d’une chose essentielle à ses besoins. » (JAUCOURT, « Prix », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, Tome 13, p. 392).
- 52Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., V° Beurre, 2, Expression figurée.
- 53« Mais délier la bourse est une grande douleur en Berry, et, quand on a donné dix sous, on soupire longtemps. » (George SAND, Lettre à Édouard Rodrigues, le 12 janv. 1864, à Nohant, dans Correspondance. 1812-1876, Tome 5, 1883/1884, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 9).
- 54« Si j’amasse, ce n’est qu’avec l’espérance de quelque emploi prochain, non pour acheter des terres — dont je n’ai que faire —, mais pour acheter du plaisir. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], 1592, Paris, éd. Gallimard [2009], coll. Quarto, Livre I, chap. 14, p. 82).
- 55« Les effets reçoivent leur valeur des usages auxquels ils sont employés. S’ils étaient incapables d’aucun usage, ils ne seraient d’aucune valeur. » ( JAUCOURT, « Monnoie », article précité, p. 645).
- 56« Le Français, les étrangers en font souvent la remarque, est intéressé : il sait que l’argent est difficile à gagner, qu’une fois gagné il demande à être gardé et que par conséquent il doit être surveillé. C’est la tradition paysanne. » (André SIEGFRIED, L’âme des peuples, 1950, Paris, éd. Hachette, pp. 56-57).
- 57« Jamais on n’a tant parlé de la lutte contre les puissances d’argent et jamais l’argent n’a joui, dans le monde, d’une telle considération. » (Georges RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, 2e éd., 1946, Paris, éd. LGDJ [1951], p. 346).
- 58« Bref, l’Argent, le pouvoir de l’Argent. Mais plus nous en manquions, plus elle le traitait avec le mélange de désinvolture et d’agacement que l’on réserve aux casseroles dont le manche tourne ou aux ciseaux ébréchés. Un outil qui vous fait défaut au mauvais moment. Rien de plus. » (Françoise GIROUD, Ce que je crois, 1978, Paris, éd. Grasset, pp. 84-85).
- 59« L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître. » (Citation attribuée à Francis Bacon).
- 60« Le dédain de l’argent est fréquent surtout chez ceux qui n’en ont pas. Disons les choses comme elles sont : il est agréable d’en avoir, pour les commodités qu’il procure, d’abord, et plus encore pour l’impression de sécurité qu’il dégage et qui tranquillise. / Et je crois bien que l’inexplicable Avarice rencontre son explication dans le développement poussé à l’excès de ce sentiment de bien-être. » (Georges COURTELINE, La philosophie de Georges Courteline, 1917, Paris, éd. Flammarion [1922], p. 36).
- 61« Schmucke, dont les économies étaient administrées par la distraction, Pons, prodigue par passion, arrivaient l’un et l’autre au même résultat : zéro dans la bourse à la Saint-Sylvestre de chaque année. » (BALZAC, Le Cousin Pons, Tome 1, 1847, Bruxelles, éd. Lebègue & Sacré, p. 27).
- 62« Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre. » (Code civil, article 1347-1, alinéa 2).
- 63« La monnaie frappée, pesée, matérialisant un nombre, marquée de figures qui disent les rapports entre les nombres, externalisa la fonction de l’estimation des biens par la vue, en même temps qu’elle servit de moyen de calcul (les pièces pesées et marquées ne nécessitaient plus que l’on pesât le métal précieux — on put compter des pièces plutôt que de manipuler des poids) et d’intermédiaire dans des transactions, c’est-à-dire de moyen terme numérique entre des biens de natures différentes, une maison et des chaussures selon les exemples d’Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. » (Clarisse HERRENSCHMIDT, « De la monnaie frappée et du mythe d’Artémis », Techniques & Culture, 2004, n° 43-44, §39).
- 64« La monnaie, étant donc comme une mesure, qui établit un rapport appréciable entre les choses, les rend égales : car il n’y aurait point de société sans échange ; point d’échange, sans égalité ; point d’égalité, sans une commune mesure. À la vérité, il est impossible de rendre commensurables des objets si entièrement différents ; mais on y réussit assez exactement pour le besoin. Il faut donc qu’il existe par supposition ou convention. Voilà pourquoi on donne [en grec] à la monnaie le nom de νόμισμα [de νόμος, usage, convention] ; c’est elle qui rend tous les objets commensurables, puisque tous peuvent être évalués en monnaie. » (ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, op. cit., Livre V, chap. 5, p. 218).
- 65Raison pour laquelle Clarisse Herrenschmidt verra dans Ronald Reagan, le président américain de l’époque, un « réformateur sémiologique » qui s’ignore… L’autrice n’a pu retrouver la référence exacte, son exemplaire du livre Les trois écritures se trouvant présentement dans un carton.
- 66« L’argent est comme la foule qui s’entasse dans le café où il y a foule et déserte le café d’en face, non parce qu’on y est mal servi, mais parce qu’il y est vide. » (Auguste DETŒUF, Propos de O. L. Barenton, confiseur, 1937, Paris, éd. du Tambourinaire [1962], p. 32).
- 67« Voilà pourquoi toutes les choses échangeables doivent, jusqu’à un certain point, pouvoir être comparées entre elles ; et c’est ce qui a donné lieu à l’établissement de la monnaie, qui est comme une mesure commune, puisqu’elle sert à tout évaluer, et, par conséquent, le défaut aussi bien que l’excès : par exemple, quelle quantité de chaussures peut être égale à la valeur d’une maison, ou d’une quantité donnée d’aliments. Il faut donc qu’il y ait entre l’architecte [ou le laboureur] et le cordonnier [ou plutôt entre les profits de l’un et des autres], le même rapport qu’il y a entre une maison, ou une quantité d’aliments, et une quantité déterminée de chaussures ; car, sans cela, il n’y aura ni commerce ni échange ; et cela ne saurait se faire, si l’on n’établit pas, jusqu’à un certain point, l’égalité [entre les produits]. » (ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, op. cit., Livre V, chap. 5, pp. 215-216).
- 68« La valeur est cette substance commune qui rend commensurables des biens physiquement et qualitativement hétérogènes. » (Nathalie BERTA, « Valeur, économie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1er mai 2024).
- 69Clarisse HERRENSCHMIDT, « À propos du livre d’Alain Testart (éd.), Aux Origines de la Monnaie », Techniques & Culture, n° 42, juill.-déc. 2003, pp. 165-174, spéc. §24.