L’art & la manière d’ajouter au monde
1. Si l’on occulte la création originelle, le monde tel qu’il existe est l’œuvre des Hommes. C’est à l’humanité, en effet, qu’appartient le pouvoir exorbitant de modifier la réalité, qu’il s’agisse d’ajouter ou de soustraire, d’adapter ou de transformer. La planète — hasard ou nécessité ? — est livrée au genre humain puisqu’il n’est pas jusqu’à la plus infime opération qui ne dépose son empreinte, altère la substance des choses, bouscule le cours du temps.
2. Or, la nature humaine a ceci de commun avec la providence divine qu’elle possède la raison, la science des signes et la faculté de prévoyance. Vivant parmi des symboles et des fictions, l’humanité ne peut faire usage du monde qu’à travers son imaginaire et sa créativité. Loin de laisser son exubérance la disperser en activités vaines ou nocives, elle gagnerait à orienter sa marche frénétique vers des buts plus nobles, dans le champ culturel et artistique évidemment, sur le terrain économique et politique plus encore.
3. Indispensable, la bonne volonté ne saurait pourtant suffire. Il convient que l’art et la manière — un certain artisanat des gestes et des idées — soutiennent l’intention créatrice, qu’ils la secondent dans la mise en œuvre de la vision initiale jusqu’au plein achèvement de l’ouvrage. Aussi difficile soit-elle, la simple maîtrise d’un art ou d’un métier ne fait pas de l’artisan un créateur. L’artiste véritable, le précurseur, domine toutes les étapes du processus créatif qui, seul, accouchera d’une réalisation inédite. C’est l’objet même de ce livre que de révéler les arcanes de la puissance imaginative.
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