1. À qui observe les prémices du XXIe siècle, l’arène politique présente un bien étrange spectacle — s’y agitent des personnages ubuesques, aussi dangereux que ridicules —, assourdissante cacophonie à laquelle personne n’entend rien, pas même les communicants et commentateurs. Chacun tire de son bord croyant pouvoir emporter un pan du monde avec lui ; les égos s’aiguisent, les puissants s’affrontent, les peuples tempêtent. C’est que la politique reste une succursale de l’histoire, laquelle s’avance d’un pas troublé — hésitant entre la modernité et la post-modernité, balançant entre l’Orient et l’Occident, oscillant entre atavisme économique et impératif écologique.
2. Au milieu de tout ce désordre, des hommes — parce que ce sont essentiellement des individus de sexe masculin — se démènent, se pressent et s’empêtrent, alternant tours et postures pour tenter d’attraper la queue du Mickey. Tout cela serait distrayant — la France se passionne pour ces courses de petits chevaux ; elle se désespère aussi de la surabondance de tocards — si ces insensés n’avaient la charge (ou la prétention) de diriger les nations. Tristes sires que ces mannequins d’opérette gonflés de leur importance mais dénués de sens commun !
3. C’est pourtant de tout ce tintouin que sortent les grandes orientations qui façonneront — positivement ou non, sciemment ou pas — le monde de demain ; c’est la deuxième grande idée dont on aimerait pénétrer le lecteur. La première postule que si l’échiquier politique est chahuté, voire renversé, c’est que les sociétés sont travaillées par le changement de civilisation à l’œuvre ; la seconde insiste sur la nécessité de distinguer entre action politique et jeu politique, entre puissance publique et arène politique, bref entre force et farce publiques.
4. La grande vertu du présent projet littéraire — écrire la règle du jeu et mettre le monde en notices —, peut-être son plus grand tort également, est de montrer comment toute l’existence procède d’un double jeu, plus exactement d’un dédale de jeux à double-fond. Toute la vie sur Terre est, en effet, traversée d’une ambiguïté fondamentale entre les buts officiellement poursuivis et les motivations officieusement agissantes — on l’a suffisamment répété, la lectrice l’a compris. Mais nulle part sans doute comme dans la vie politique, on observe cette dichotomie entre la politique et le politique, entre le jeu et l’action politique, c’est-à-dire entre la politique politicienne d’une part (les coups politiques, atomes de la tambouille politique) et la politique au sens noble d’autre part (la vraie politique).
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