L’Encyclopédie de Diderot, internet avant l’heure

1. Aventure intellectuelle aussi rocambolesque qu’utopique, tour de force inimaginable avec les moyens du XVIIIe siècle, la rédaction des dix-sept volumes de l’Encyclopédie (à laquelle on doit ajouter la composition de neuf tomes de planches) représente un effort sans précédent de mettre à la portée de l’honnête homme un savoir neuf, clairement exposé, toujours didactique, souvent inspiré.

Rappelons qu’entre 1403 et 1408, fut entreprise en Chine, sur ordre de l’empereur Yongle, une encyclopédie dite Yongle Dadian, œuvre entièrement rédigée à la main par plusieurs milliers de savants qui compilèrent, indexèrent et classèrent des fragments de huit-mille ouvrages, couvrant toutes les époques antérieures et tous les champs de la connaissance.

Agriculture. Semoirs

Considérable par sa vocation et ses dimensions (ce sont, paraît-il, trois cent soixante-dix millions de sinogrammes qui courent sur près de vingt-trois mille rouleaux), l’ouvrage ne prétend pas incarner ce qui constituera l’idéal du siècle des Lumières et dont le Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot, D’Alembert et Jaucourt demeure sans doute la réalisation la plus aboutie1Relevons « […] la présence militante de la philosophie, alliée à une nouvelle façon de concevoir le travail intellectuel. Enfin l’optimisme conquérant des Lumières […] » (Jean-Marie GOULEMOT, « Encyclopédie (D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert) — Fiche de lecture », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 2 octobre 2023). : un savoir fiable mais fécond, directement mis à la portée du lecteur.

« Gouvernement, s[ubstantif] m[asculin] (Droit nat[urel] & polit[ique]) manière dont la souveraineté s’exerce dans chaque état. Examinons l’origine, les formes, & les causes de la dissolution des gouvernements. Ce sujet mérite les regards attentifs des peuples & des souverains. »2JAUCOURT, « Gouvernement », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 7, p. 788.

Art de faire éclore les Poulets

2. La fantaisie et même l’ingénuité qui s’invitent dans la présentation des connaissances, ici sous la plume du précieux Jaucourt, dont l’autrice s’est définitivement entichée, cette fantaisie et cette ingénuité perdureront jusqu’au troisième quart du XIXe siècle — le Littré3« Plus encore, user du Littré appartient aux pratiques du lecteur lettré ; proximité sémantique offrant comme un emblème de cette entreprise éditoriale qui, en ce XIXe siècle de l’encyclopédisme et de la compilation, lui dessine une place à part […] » (Jean-Didier WAGNEUR, « Littré Émile (1801-1881) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 7 mai 2024). et le Bescherelle sont particulièrement imprégnés de cette sensibilité vertueuse dans laquelle un contemporain arrogant verrait une excessive crédulité4« Littré reste un érudit fascinant dont les interventions sont nombreuses, tant en médecine qu’en histoire médiévale. Mais ce philologue représente surtout le témoin d’une vision du monde caractéristique du XIXe siècle que l’on délaisse souvent mais qui n’en constitue pas moins le fond politique et intellectuel de cette époque. » (Jean-Didier WAGNEUR, « Littré Émile (1801-1881) », Encyclopædia Universalis [en ligne])..

C’est qu’avant de transmettre des connaissances, un dictionnaire ou une encyclopédie recense les croyances qu’une époque entretient sur elle-même. Au reste, quelle impression feront les stériles définitions des dictionnaires d’aujourd’hui (la marche est l’action de marcher5« Le laconisme n’est pas le ton d’un dictionnaire ; il donne plus à deviner qu’il ne le faut pour le commun des lecteurs. » (DIDEROT, « Encyclopédie », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 5, p. 647v).) sur les lecteurs des XXIIe et XXIIIe siècles ? Quant à lui, le XVIIIe siècle est animé d’un sentiment humaniste et moral qui irrigue toute la recherche et la diffusion scientifiques6« En effet, le but d’une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, & de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont ; que ​nos neveux​​, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux & plus heureux, & que nous ne mourions pas sans avoir ​bien mérité du genre humain. » (DIDEROT, « Encyclopédie », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 5, p. 635r)..

Architecture. Chapiteaux

Ce qui frappe à la lecture comparée de l’Encyclopédie de Diderot et, par exemple, de l’Encyclopædia Universalis, c’est la différence de point de vue : aux XXe et XXIe siècles, les spécialistes entretiennent un rapport distancié à leur objet d’étude, tandis qu’au XVIIIe siècle, tout est décrit dans une sorte de confusion entre le sujet (l’érudit) et l’objet d’étude (le thème) — les encyclopédistes des Lumières ne se pensent pas hors du champ d’étude mais à l’intérieur : ils ne conçoivent pas de césure entre le monde et eux…

Aujourd’hui comme hier, la propagation du savoir — désormais on parle plus volontiers de transmission ou de vulgarisation — se coule dans des formes et des mouvances qui sont celles de leur époque : comme la culture, la science respire l’air de son temps, d’autant plus que dictionnaires et encyclopédies visent à embrasser ou, faute de mieux, à résumer le monde7« Il [le Dictionnaire de Littré] est magistral. Non seulement il renferme la matière de toute notre littérature, mais il en résume encore les mérites grâce à la fantaisie romanesque de ses développements, non moins qu’à la poétique inexactitude de ses définitions. » (Jacques BOULENGER, « Chasse à courre », Gazette du bon ton. Arts, modes & frivolités, 1912, n° 1, pp. 85-88, spéc. p. 85).. Or, comme peu d’autres périodes avant lui, le XVIIIe siècle avait le « goût des bilans et des sommes »8« En elle [l’Encyclopédie] se trouvent concentrés l’appétit de savoir qui habite le XVIIIe siècle, son goût des bilans et des sommes, l’intérêt porté aux sciences et techniques, l’extraordinaire développement que connaît alors l’imprimé, la présence militante de la philosophie, alliée à une nouvelle façon de concevoir le travail intellectuel. » (Jean-Marie GOULEMOT, « Encyclopédie (D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert) — Fiche de lecture », Encyclopædia Universalis [en ligne])., et se donna comme objet la totalité des savoirs de l’époque9« Il eût été difficile de se proposer un objet plus étendu que celui de traiter de tout ce qui a rapport à la curiosité de l’homme, à ses devoirs, à ses besoins, & à ses plaisirs. ​Aussi quelques personnes​ accoutumées à juger de la possibilité d’une entreprise, sur le peu de ressources qu’elles aperçoivent en elles-mêmes, ont prononcé que jamais nous n’achèverions la nôtre. » (DIDEROT, « Encyclopédie », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 5, p. 635r)..

Art d’écrire

3. Pour être juste, rappelons que, dès les débuts de l’écriture, on trouvait en Mésopotamie des embryons d’encyclopédie, des listes thématiques de connaissances, parfois classées alphabétiquement. Plus tard, la Grèce antique chérira la forme dialoguée — songez au Timée de Platon —, mais fournira son lot de traités monographiques — voyez ceux d’Aristote sur la politique, la poétique, l’éthique, la logique, la métaphysique, la rhétorique, la physique, etc.

Au premier siècle, le naturaliste romain Pline l’Ancien donna une Histoire naturelle à laquelle répondra celle de Buffon, publiée à partir de 1749 — la publication de l’Encyclopédie de Diderot s’étendant de 1751 à 1772, les ouvrages sont voisins, les projets presque symétriques : le premier traite de la nature quand le second consigne la société.

Pour le plaisir, citons encore deux œuvres intermédiaires datant du XIIe siècle, le Liber floridus (du chanoine Lambert de Saint-Omer) et l’Hortus Deliciarum (de l’abbesse Herrade de Landsberg avec les moniales du couvent de Hohenbourg) — sommes médiévales mêlant les matières, les sujets, les perspectives dans un joyeux bazar qui ne vaut plus aujourd’hui que comme témoignage historique…

Jambes et pieds

4. Dans ce flot de tendances et de tentatives, l’Encyclopédie se présente d’abord comme une entreprise commerciale : au commencement, elle dérive d’un projet de traduction de la Cyclopædia, or an Universal Dictionary of Arts and Sciences de Chambers, publiée en Angleterre en 172810« En Angleterre se publient des dictionnaires techniques et la Cyclopaedia, or an Universal Dictionary of Arts and Sciences de Chambers (1728), que les libraires parisiens, en quête d’entreprises rentables, se proposent de traduire. En 1745, une équipe est constituée, des traducteurs désignés, un maître d’œuvre choisi : l’abbé Jean-Paul Gua de Malvés, qui s’attache les services de Diderot et de d’Alembert. » (Jean-Marie GOULEMOT, « Encyclopédie (D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert) — Fiche de lecture », Encyclopædia Universalis [en ligne]). — d’ailleurs, dès 1694, Thomas Corneille, le frère du tragédien, avait publié un Dictionnaire des arts et des sciences en deux tomes, afin de compléter la première édition du Dictionnaire de l’Académie française.

Pour des raisons intellectuelles ou financières, ce genre d’ouvrage correspond tout à fait aux besoins de l’époque. Mais comment d’un simple projet de traduction en est-on venu à ce pur chef-d’œuvre de l’esprit humain ? Par la volonté du créateur, naturellement ! Plus prosaïquement, ce dessein prit la forme d’une fâcherie puis d’un abandon, enfin d’un changement de direction, le projet tombant entre les mains providentielles de Denis Diderot11« En 1745, à la suggestion d’un Anglais (John Mills) et d’un Allemand (Sellius) avec lesquels il se fâche, le libraire Le Breton annonce le projet de publier en français la Cyclopaedia de Chambers ; le 27 juin 1746, par-devant d’Alembert et Diderot, témoins, l’entreprise est confiée à l’abbé Gua de Malves, qui abandonne au bout de treize mois ; la main passe aux témoins, nommés codirecteurs, le 16 octobre 1747. » (Yvon BELAVAL, « Encyclopédie de Diderot », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 29 oct. 2024)., dont l’autrice va maintenant entreprendre le panégyrique.

Escrime

5. Un hédoniste lunaire au génie déconcertant, doté d’une inconstance aussi charmante que têtue, corrigée par la puissance d’un engagement intellectuel total, lui qui n’aimait ni les conventions ni les croyances : voici ce que fut ce fils de coutelier né à Langres (aujourd’hui en Haute-Marne, autrefois dans la Champagne), monté à Paris de bonne heure puis devenu écrivain touche-à-tout, à la fois brillant et généreux.

Bouillonnant de bonhommie, aussi original que négligé (lisez ses Regrets sur ma vieille robe de chambre), cet humaniste prétendument athée — c’est ignorer la ferveur et la foi, également la naïveté qui traversent l’Encyclopédie (Diderot est athée comme on peut l’être au XVIIIe siècle, c’est-à-dire qu’on est déiste ou, au pire, agnostique ; la croyance au hasard aveugle ne pénètrera les esprits qu’au XXe siècle) —, cet homme que la postérité s’est plu à peindre en débauché fantasque (comme si l’on pouvait produire une œuvre aussi vertigineuse en menant une vie de polichinelle) se présentait à ses contemporains comme un extraverti plein de douceur, un pierrot délicieux perpétuellement en quête de lumière, attaché au fond des choses et non à leur écume, doté d’une énergie communicative propice au foisonnement créateur que devait couronner une œuvre pléthorique à laquelle il sacrifiera son existence.

Échaudé par un séjour en prison qu’il supporta mal, Diderot se méfiera toute sa vie du pouvoir, cultivera une discrétion presque paranoïaque et fera preuve d’une prudence telle que ses œuvres les plus essentielles ne seront publiées qu’après sa mort, survenue à l’âge de soixante-dix ans des suites d’une angine de poitrine contractée en Russie — l’impératrice Catherine II l’y avait invité comme d’autres intellectuels…

Pendule d’équation à cadran mobile

6. Il est vrai que cette despote éclairée ne dédaignait pas l’esprit critique des libres penseurs lorsqu’ils venaient de l’étranger (et qu’ils épargnaient la Russie). Il n’est pas certain, en effet, que la grande Catherine aurait toléré chez elle la parution de ce monument de l’édition moderne dont Diderot fut l’infatigable clef de voûte.

En France, où la puissance n’a jamais entendu se passer de grandeur, où la soif de connaissances et le goût de l’œuvre bien faite ont autorisé bien des licences, bien des affranchissements, la noblesse elle-même n’est jamais sortie d’une certaine ambiguïté à l’égard du projet : officiellement décriée et censurée, l’Encyclopédie sera en partie financée par les Grands (et les Grandes) du Royaume — le soutien des femmes étant rarement mince dans les entreprises littéraires d’ampleur (voyez les mécènes féminines de Balzac).

Pourtant, mille précautions avaient été prises (facilitant la consultation, l’ordre alphabétique permit aussi de déjouer la censure), y compris par l’imprimeur qui avait sabré certains passages dans le dos de Diderot… Interdit dès 1752 par un arrêt du Conseil du roi (l’ancêtre du Conseil d’État), qui récidivera en 1759, l’ouvrage réunissait pourtant plus de cent soixante contributeurs et des milliers de souscripteurs, tous attachés à cette ambition nouvelle de fécondation des consciences par le savoir, c’est-à-dire par la libre pensée, individuelle et réfléchie.

Coquilles terrestres

7. Dans le silence de son cabinet, penchée sur quelques volumes éclairés à la bougie, la lectrice seulement dérangée par les allées et venues de sa femme de chambre, pouvait laisser vagabonder son âme, tourner les pages distraitement et s’absorber dans quelque passage captivant.

Ou bien le lecteur, ayant enlevé sa perruque, enfilé ses pantoufles et disposé son fauteuil devant la croisée pour jouir de la lumière du jour, ouvrira le tome fraîchement relié, par exemple le treizième, paru en 1765, et déchiffrera quelques entrées (la pommade, la pompe, le ponant, le pont, le porcelet, le porphyre), avant d’en dénicher de plus polémiques : pontifical (collège), pragmatique (sanction), prêcher, prédestination, préjugé, procédure, procès, refus, etc.

Pour celui (ou celle) qui entend démêler les fils de la vérité12« Ce Dictionnaire est consacré à la vérité ; un article doit corriger l’autre ; & s’il se trouve ici quelque erreur, elle doit être relevée par un homme plus éclairé. » (VOLTAIRE, « Histoire », dans Diderot & D’Alembert, L’Encyclopédie, Tome 8, p. 224)., dont on sait désormais qu’elle ne saurait être univoque13« [Au XVIIIe siècle] La sphère du savoir éclate à l’infini ; l’encyclopédie n’est plus que le miroir de nos conquêtes sur un monde en soi inconnu ; elle devient le catalogue de nos acquisitions, que la seule commodité recommande de classer par ordre alphabétique. Et tel est bien le nouvel esprit encyclopédique dont le monument érigé par d’Alembert et Diderot inaugure les grandes réalisations. » (Yvon BELAVAL, « Encyclopédie de Diderot », Encyclopædia Universalis [en ligne])., il y a beaucoup à lire et à entendre entre les lignes… Dans cette France de l’Ancien Régime où les gens qui écrivaient risquaient leur liberté, leur fortune et leur vie — le tribut payé aujourd’hui par les artistes engagés semble bien dérisoire —, il s’est trouvé des cœurs vaillants pour porter haut l’espoir d’un monde plus éclairé et, dirait-on aujourd’hui, plus rationnel.

Buche ou flibot

8. L’autrice, qui aurait bien du mal à cacher sa fascination pour les dictionnaires, encyclopédies et manuels (elle a longtemps cru que son paradis aurait les contours d’une inépuisable bibliothèque) — cette façon de présenter à la curiosité du lecteur tout un corpus de connaissances, donné à lui sous forme d’une inépuisable fontaine de jouvence, la séduira sans doute jusqu’à la fin de ses jours —, l’autrice n’a guère, en fait de modestie, qu’une humilité admirative devant tous les grands esprits, masculins et féminins, qui firent de la France cette merveilleuse nation semblable à aucune autre.

Diderot et Jaucourt, Furetière avant eux, Bescherelle et Littré après, sont quelques-unes de ces nobles âmes auxquelles la langue et la connaissance doivent tant. Aujourd’hui, l’autrice en est certaine : son dessein chimérique d’enfermer dans un ouvrage aussi monstrueusement panoramique que maniaquement rubriqué tout ce qu’elle a pu apercevoir du monde ne vient pas de nulle part. C’est l’aspiration française à l’analyse, à la nomenclature et à l’universalité qui se perpétue à travers ces Règles du jeu.

Orfèvre grossier. Ouvrages

Écrivains qui abordez un thème nouveau, n’omettez jamais de jeter un œil à l’Encyclopédie, pour voir si Diderot, Jaucourt, Boucher d’Argis ou Voltaire n’auraient pas quelque chose à en dire. Et si vous avez quelques heures à tuer, feuilletez un tome au hasard. Vous y découvrirez tant de choses remarquables, et notamment que :

  • « Les excréments évacués par le fondement dans l’état naturel, ne sont autre chose que le marc des aliments, & les parties les plus grossières des sucs digestifs qui ont servi à leur dissolution & à l’élaboration du chyle […] »14Arnulphe D’AUMONT, « Déjection », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 4, op. cit., p. 770.,
  • Que, deuxièmement, « […] conversation se dit en général de quelque discours mutuel que ce puisse être, au lieu qu’entretien se dit d’un discours mutuel qui roule sur quelque objet déterminé. »15D’ALEMBERT, « Conversation, entretien », ibid., Tome 4, p. 165.
  • Que, troisièmement, le tabac est une « herbe originaire des pays chauds, ammoniacale, âcre, caustique, narcotique, vénéneuse, laquelle cependant préparée par l’art, est devenue dans le cours d’un siècle, par la bizarrerie de la mode & de l’habitude, la plante la plus cultivée, la plus recherchée, & l’objet des délices de presque tout le monde qui en fait usage, soit par le nez, en poudre ; soit en fumée, avec des pipes ; soit en mâchicatoire, soit autrement. »16JAUCOURT, « Tabac », ibid., Tome 15, p. 784.

Perruques

  • Que, quatrièmement, un monstre est un « animal qui naît avec une conformation contraire à l’ordre de la nature, c’est-à-dire avec une structure de parties très différentes de celles qui caractérisent l’espèce des animaux dont il sort. »17FORMEY, « Monstre », ibid., Tome 10, p. 671.
  • Que, cinquièmement, les clavicules « sont un peu courbées à chaque bout, mais en sens opposés, en sorte qu’elles ressemblent à-peu-près à une S qui serait couchée [et qu’] On les a appelées clavicules, parce qu’elles sont comme les clés du thorax. »18JAUCOURT, « Clavicule », ibid., Tome 3, p. 512.
  • Que, sixièmement, la femme « est la femelle de l’homme. »19BARTHEZ, « Femme, anthropologie », ibid., Tome 6, p. 468.
  • Que, septièmement, « Les femmes ne diffèrent pas moins des hommes par le cœur & par l’esprit, que par la taille & par la figure ; mais l’éducation a modifié leurs dispositions naturelles en tant de manières, la dissimulation qui semble être pour elles un devoir d’état, a rendu leur âme si secrète, les exceptions sont en si grand nombre, si confondues avec les généralités, que plus on fait d’observations, moins on trouve de résultats. »20Joseph-François-Édouard DE CORSEMBLEU-DESMAHIS, « Femme, morale », ibid., Tome 6, p. 472.

Berline ou vis-à-vis à panneaux arrasés

  • Que, huitièmement, la traite négrière « est l’achat des nègres que font les Européens sur les côtes d’Afrique, pour employer ces malheureux dans leurs colonies en qualité d’esclaves. Cet achat de nègres, pour les réduire en esclavage, est un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles, & tous les droits de la nature humaine. »21JAUCOURT, « Traite des nègres », ibid., Tome 16, ibid., p. 532.
  • Que, neuvièmement, les vampires sont « de prétendus démons qui tirent pendant la nuit le sang des corps vivants, & le portent dans ces cadavres dont l’on voit sortir le sang par la bouche, le nez & les oreilles. [Et que]Le p[rofesseur] Calmet a fait sur ce sujet un ouvrage absurde dont on ne l’aurait pas cru capable, mais qui sert à prouver combien l’esprit humain est porté à la superstition. »22JAUCOURT, « Vampire », ibid., Tome 16, p. 828.
  • Que, dixièmement, le luxe est « l’usage qu’on fait des richesses & de l’industrie pour se procurer une existence agréable. »23Jean-François DE SAINT-LAMBERT, « Luxe », ibid., Tome 9, p. 763.
  • Que, onzièmement, « L’institution de signes vocaux qui représentassent des idées, & de caractères tracés qui représentassent des voix, fut le premier germe des progrès de l’esprit humain. »24DIDEROT, « Encyclopédie », ibid., Tome 5, p. 637r.
  • Que, finalement, la monarchie absolue est une « forme de monarchie, dans laquelle le corps entier des citoyens a cru devoir conférer la souveraineté au prince, avec l’étendue & le pouvoir absolu qui résidait en lui originairement, & sans y ajouter de restriction particulière, que celle des lois établies. Il ne faut pas confondre le pouvoir absolu d’un tel monarque, avec le pouvoir arbitraire & despotique ; car l’origine & la nature de la monarchie absolue est​​ limitée par sa nature même, par l’intention de ceux de qui le monarque la tient, & par les lois fondamentales de son état. »25JAUCOURT, « Monarchie absolue », ibid., Tome 10, p. 636. La lectrice aura noté que, pour l’époque, le propos était courageux.

Façon d’un fauteuil

Références

— Articles de l’Encyclopédie

Un article de Voltaire

— Autres articles

Frontispice de l’Encyclopédie

Illustrations

Tous les recueils de planches sont visibles sur Gallica.

Frontispice de l’Encyclopédie

  • 1
    Relevons « […] la présence militante de la philosophie, alliée à une nouvelle façon de concevoir le travail intellectuel. Enfin l’optimisme conquérant des Lumières […] » (Jean-Marie GOULEMOT, « Encyclopédie (D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert) — Fiche de lecture », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 2 octobre 2023).
  • 2
    JAUCOURT, « Gouvernement », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 7, p. 788.
  • 3
    « Plus encore, user du Littré appartient aux pratiques du lecteur lettré ; proximité sémantique offrant comme un emblème de cette entreprise éditoriale qui, en ce XIXe siècle de l’encyclopédisme et de la compilation, lui dessine une place à part […] » (Jean-Didier WAGNEUR, « Littré Émile (1801-1881) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 7 mai 2024).
  • 4
    « Littré reste un érudit fascinant dont les interventions sont nombreuses, tant en médecine qu’en histoire médiévale. Mais ce philologue représente surtout le témoin d’une vision du monde caractéristique du XIXe siècle que l’on délaisse souvent mais qui n’en constitue pas moins le fond politique et intellectuel de cette époque. » (Jean-Didier WAGNEUR, « Littré Émile (1801-1881) », Encyclopædia Universalis [en ligne]).
  • 5
    « Le laconisme n’est pas le ton d’un dictionnaire ; il donne plus à deviner qu’il ne le faut pour le commun des lecteurs. » (DIDEROT, « Encyclopédie », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 5, p. 647v).
  • 6
    « En effet, le but d’une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, & de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont ; que ​nos neveux​​, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux & plus heureux, & que nous ne mourions pas sans avoir ​bien mérité du genre humain. » (DIDEROT, « Encyclopédie », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 5, p. 635r).
  • 7
    « Il [le Dictionnaire de Littré] est magistral. Non seulement il renferme la matière de toute notre littérature, mais il en résume encore les mérites grâce à la fantaisie romanesque de ses développements, non moins qu’à la poétique inexactitude de ses définitions. » (Jacques BOULENGER, « Chasse à courre », Gazette du bon ton. Arts, modes & frivolités, 1912, n° 1, pp. 85-88, spéc. p. 85).
  • 8
    « En elle [l’Encyclopédie] se trouvent concentrés l’appétit de savoir qui habite le XVIIIe siècle, son goût des bilans et des sommes, l’intérêt porté aux sciences et techniques, l’extraordinaire développement que connaît alors l’imprimé, la présence militante de la philosophie, alliée à une nouvelle façon de concevoir le travail intellectuel. » (Jean-Marie GOULEMOT, « Encyclopédie (D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert) — Fiche de lecture », Encyclopædia Universalis [en ligne]).
  • 9
    « Il eût été difficile de se proposer un objet plus étendu que celui de traiter de tout ce qui a rapport à la curiosité de l’homme, à ses devoirs, à ses besoins, & à ses plaisirs. ​Aussi quelques personnes​ accoutumées à juger de la possibilité d’une entreprise, sur le peu de ressources qu’elles aperçoivent en elles-mêmes, ont prononcé que jamais nous n’achèverions la nôtre. » (DIDEROT, « Encyclopédie », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 5, p. 635r).
  • 10
    « En Angleterre se publient des dictionnaires techniques et la Cyclopaedia, or an Universal Dictionary of Arts and Sciences de Chambers (1728), que les libraires parisiens, en quête d’entreprises rentables, se proposent de traduire. En 1745, une équipe est constituée, des traducteurs désignés, un maître d’œuvre choisi : l’abbé Jean-Paul Gua de Malvés, qui s’attache les services de Diderot et de d’Alembert. » (Jean-Marie GOULEMOT, « Encyclopédie (D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert) — Fiche de lecture », Encyclopædia Universalis [en ligne]).
  • 11
    « En 1745, à la suggestion d’un Anglais (John Mills) et d’un Allemand (Sellius) avec lesquels il se fâche, le libraire Le Breton annonce le projet de publier en français la Cyclopaedia de Chambers ; le 27 juin 1746, par-devant d’Alembert et Diderot, témoins, l’entreprise est confiée à l’abbé Gua de Malves, qui abandonne au bout de treize mois ; la main passe aux témoins, nommés codirecteurs, le 16 octobre 1747. » (Yvon BELAVAL, « Encyclopédie de Diderot », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 29 oct. 2024).
  • 12
    « Ce Dictionnaire est consacré à la vérité ; un article doit corriger l’autre ; & s’il se trouve ici quelque erreur, elle doit être relevée par un homme plus éclairé. » (VOLTAIRE, « Histoire », dans Diderot & D’Alembert, L’Encyclopédie, Tome 8, p. 224).
  • 13
    « [Au XVIIIe siècle] La sphère du savoir éclate à l’infini ; l’encyclopédie n’est plus que le miroir de nos conquêtes sur un monde en soi inconnu ; elle devient le catalogue de nos acquisitions, que la seule commodité recommande de classer par ordre alphabétique. Et tel est bien le nouvel esprit encyclopédique dont le monument érigé par d’Alembert et Diderot inaugure les grandes réalisations. » (Yvon BELAVAL, « Encyclopédie de Diderot », Encyclopædia Universalis [en ligne]).
  • 14
    Arnulphe D’AUMONT, « Déjection », dans Diderot & D’Alembert (dir.), L’Encyclopédie, Tome 4, op. cit., p. 770.
  • 15
    D’ALEMBERT, « Conversation, entretien », ibid., Tome 4, p. 165.
  • 16
    JAUCOURT, « Tabac », ibid., Tome 15, p. 784.
  • 17
    FORMEY, « Monstre », ibid., Tome 10, p. 671.
  • 18
    JAUCOURT, « Clavicule », ibid., Tome 3, p. 512.
  • 19
    BARTHEZ, « Femme, anthropologie », ibid., Tome 6, p. 468.
  • 20
    Joseph-François-Édouard DE CORSEMBLEU-DESMAHIS, « Femme, morale », ibid., Tome 6, p. 472.
  • 21
    JAUCOURT, « Traite des nègres », ibid., Tome 16, ibid., p. 532.
  • 22
    JAUCOURT, « Vampire », ibid., Tome 16, p. 828.
  • 23
    Jean-François DE SAINT-LAMBERT, « Luxe », ibid., Tome 9, p. 763.
  • 24
    DIDEROT, « Encyclopédie », ibid., Tome 5, p. 637r.
  • 25
    JAUCOURT, « Monarchie absolue », ibid., Tome 10, p. 636.